1.1. La loupe et la myopie

Si, par rapport au phénomène étudié, le chercheur adopte une position à mi-chemin, au sens métaphorique du terme, il n’en reste pas moins qu’il doit faire le choix d’être soit présent sur le terrain, soit distant, auquel cas il passera par des médiations matérielles telles que des documents, compte rendus d’enquête, monographies, etc... Or, la proximité de l’objet peut engendrer la myopie du chercheur (Javeau C., p85-86, 1993)181. Auquel cas, en poussant à l’extrême, la situation unique devient alors une variante de la proximité puisque l’observateur ne voit qu’une facette du phénomène qu’il étudie. C’est une première question que nous nous sommes posée dans la mesure où il s’est très vite avéré que l’observation du groupe que nous souhaitions appréhender ne pouvait pas se faire sans une participation régulière aux réunions organisées. Les extrapolations auxquelles nous pouvions nous prêter représentaient alors un danger sauf à prétendre à un certain degré de typicalité. Un autre effet indésirable de cette proximité pouvait aussi nous conduire à ignorer les rapports que certains phénomènes entretiennent avec des phénomènes connexes.

Dans le cas inverse, c’est-à-dire à se limiter à l’étude des compte rendus de réunion, éventuellement complétée par des entretiens, nous courions le risque d’être trop loin et de chercher à faire entrer la réalité dans des schèmes pré-établis, un écran s’interposant nécessairement entre l’objet étudié et nous-même. L’intérêt de ce terrain d’expérimentation étant entre autres choses, d’assister à l’émergence d’un acteur, le risque de nous priver d’observations importantes l’a rapidement emporté sur celui d’être victime de la myopie du chercheur. Comme le soulignait Bacon, on peut être amené parfois à forcer la réalité à avouer des vérités qu’elle ne contient pas et l’information que nous cherchions ne pouvait pas souffrir ce risque.

Notes
181.

Javeau C., (1993), « De l’impressionnisme dans les sciences du social», in Structuration du social et modernité avancée, autour des travaux d’Anthony Giddens, Canada, Les Presses de l’Université Laval.