1.4. Le processus de diffusion de l’innovation au sein du groupe

En reprenant à notre compte les principales typologies mises à jour par les sociologues de la diffusion pour caractériser un processus de diffusion de l’innovation, nous avons filtré nos données et abouti à la présentation suivante.

1.4.1. Le déroulement séquentiel

A l’instar de Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, nous voulons montrer dans cette section que le séquençage suivi par le groupe correspond très exactement aux différents temps identifiés par les sociologues de la diffusion et valide l’idée suivant laquelle à force d’individus se constitue le groupe, à force d’utilisateurs se diffuse l’innovation.

La phase de connaissance

Le postulat pédagogique qui a guidé, en interne, l’ensemble de la démarche procède d’une observation des erreurs répétées dans le champ de la diffusion des T.I.C. et d’un constat lié aux difficultés d’apprentissage de certaines technologies ; il pourrait être résumé de la sorte : ‘ce qui se conçoit bien s’énonce clairement’... C’est en partant de ce principe que les initiateurs de la réflexion ont décidé d’introduire les technologies à petite dose, bien entendu dans la pratique, mais, au tout début, y compris dans le discours. C’est donner raison à C. Giraud qui note que l’apprentissage d’autres façons de penser s’envisage sous conditions et que ce sont elles qui font parfois défaut et conduisent à interpréter des comportements comme irrationnels, c’est-à-dire comme des comportements de résistants au changement (Giraud C., p95-96, 1994)206.

En effet, compte tenu de la diversité des participants et de la plus ou moins grande inégalité en termes de connaissance des T.I.C. en général, le premier réflexe des leaders du groupe a été de consacrer un temps suffisamment long à ce que les diffusionnistes auraient appellé la phase de familiarisation avec le champ des T.I.C. Si ce préalable était superflu pour les experts en technologie, il a permis de faire « une mise à niveau » avant de lancer la réflexion sur le coeur du sujet.

C’est ainsi qu’un historique des usages des T.I.C a été effectué, en lien avec le développement de la région, afin que chacun puisse voir, dans ses domaines d’action respectifs, quels avaient été les incidences du Minitel ou de l’informatique. Ce long préambule à la réflexion a été également l’occasion de se mettre d’accord sur des expressions ou termes au sens galvaudé, l’utilisation massive et abusive aidant, tels que le multimédia, l’informatique, la télématique, ou encore le télétravail ou les téléservices. Il semble que cet effort de clarification ait été apprécié et indispensable car, comme l’indique J. Jouët, « ‘la culture des usagers s’enrichit de traits techniques qui ne constituent certes pas en soi une culture technique mais pénètrent peu à peu les cadres de référence usuel des individus’ » (Jouët J., 1993)207.

‘ « moi, dans cette histoire, j’étais un peu le candide de l’affaire, j’y connaissais rien aux technologies, maintenant au moins, si je suis pas spécialiste, et si je bidouille beaucoup, je peux au moins en parler sans dire d’âneries ». ’

Ce premier temps d’immersion dans le champ des T.I.C. a été suivi d’une phase d’approfondissement des concepts et mots-clef directement liés au premier domaine défriché. L’objet de la réflexion portant sur les télé-activités, il était en effet nécessaire que chacun s’approprie des termes aussi hermétiques que Internet, web, serveur, ou encore e-mail. Un lexique a donc été distribué à chaque participant pour que les définitions soient stabilisées une bonne fois pour toutes et une présentation des applications sous une forme ludique a été organisée. C’est ainsi que l’ensemble des participants s’est réuni dans la salle d’un collège bénéficiant d’équipements sophistiqués et a pu expérimenter (c’était une première pour une bonne moitié) des applications permettant de mettre pied dans la société de l’information. Au cours de cette période, l’objectif n’était pas tant de donner aux membres les premiers outils pour découvrir les télé-activités que de les amener à apprivoiser un vocabulaire inhabituel et un champ d’activités nouveau.

Notes
206.

Giraud C., (1993), « L’action commune, essai sur les dynamiques organisationnelles », L’Harmattan, Paris.

207.

Jouët J., (1993), « Pratiques de communication et figures de la médiation », Réseaux, n°60,