1.4.3. L’ensemble des composantes du tissu économique et social représentées

La compensation de cette agrégation non calculée tient pour beaucoup dans la diversité des participants rassemblés212. En effet, l’ensemble des professions et secteurs de l’activité économique représentés dans ce groupe correspond assez fidèlement à la réalité du territoire qu’il s’est proposé d’incarner. Bien entendu, aucun échantillonnage statistique ne vient valider cette affirmation dans la mesure où c’est beaucoup plus le hasard des relations qu’un arbitrage scientifique qui a conduit à une première sélection. Et pourtant, compte tenu des appartenances respectives des trois leaders, on retrouve au final une palette de professions suffisamment complète à défaut d’être exhaustive pour prétendre à la représentativité. Etant donné le caractère polémique de ce terme, précisons le sens que nous lui donnons ici en commençant par émettre les réserves qu’on pourrait nous opposer.

La plupart des participants justifient d’un niveau d’études supérieures très largement au-dessus de la moyenne, surtout si l’on considère que la classe d’âge la plus représentée dans le groupe est celle des 40-45 ans213. Le milieu social auquel il est possible de les rattacher ou la Catégorie SocioProfessionnelle à laquelle ils correspondent si tant est que cette classification soit encore adaptée aux multiples évolutions du marché du travail, élude complètement les catégories « ouvriers, employés, etc ». Le parcours professionnel (ces facteurs étant interdépendants) de chacun d’entre eux révèle une propension à l’ouverture et une faculté d’adaptation ou de remise en question probablement très disproportionnée, y compris au sein de leurs propres sphères professionnelles. Tous témoignent d’un engagement dans le développement local au travers d’associations en tous genres qui atteste d’un dynamisme et d’une volonté de changement qui sont loin d’être partagés. En d’autres termes, nous définissons de façon totalement empirique une sorte de contre-exemple de ce que pourrait être un échantillon représentatif du pays observé. Et pourtant, nous réitérons notre remarque concernant la représentativité.

D’abord, parce que comme le souligne C. Giraud214, la plupart des individus font preuve désormais « d’un multipositionnement » qui les amène à assurer plusieurs rôles en même temps (Giraud C., 1993). Si ce multipositionnement perturbe le décodage d’une situation, il est en même temps facteur de richesse. C’est tout à fait le cas de la plupart de nos interviewés qui en plus d’une activité professionnelle mènent bien souvent de front une vie associative très riche, sans parler bien entendu de leur vie personnelle. Par leur biais de leur engagement social, à travers leur activité professionnelle, ils sont très régulièrement à l’intersection de différentes sphères et amenés à prendre en compte des réalités qui dépassent très largement le cadre de leurs strictes préoccupations personnelles et professionnelles. Ils sont donc représentatifs en ce sens que la variété de leurs appartenances leur permet d’avoir collectivement une approche très fine des sensibilités qui s’expriment sur le territoire et des difficultés ou attentes de leurs concitoyens.

En outre, au regard de l’objet qui les a réunis et sur lequel nous nous prononcerons, ils constituent l’ensemble des interlocuteurs susceptibles de participer à une action commune relevant, peu ou prou, de la chose publique, ceux capables d’engendrer la création d’un espace local favorable à l’innovation, au sens où l’entendent les tenants de l’analyse sociétale de l’innovation.

Enfin, si l’absence de validation par leurs concitoyens de leur légitimité en tant que représentant ne peut être ignorée, il n’en reste pas moins que leurs parcours et trajectoires professionnels les ont conduits, de fait, à se positionner bien souvent en intermédiaire ou porte-parole du corps professionnel ou du mouvement auquel ils participaient. Pour conclure, si nous nous permettons de parler de représentativité, c’est parce que nous avons pu constater qu’ils avaient une vue extrêmement précise et fidèle des préoccupations, difficultés, peines, attentes et angoisses qui agitent et animent un pays auquel ils sont attachés.

‘« notre groupe de réflexion, composé de partenaires très divers, a l’avantage de croiser l’ensemble des acteurs qui composent le tissu social de notre région, collectivités locales, P.M.E., monde associatif, agents administratifs...Il traverse par ailleurs la grande diversité de nos champs de préoccupation : du tourisme au monde social, de la restauration à la gestion collective (eau, paysages), de l’école au chômage et à l’emploi, et compense un maillage socio-professionnel fragilisé par la faiblesse de sa densité et par l’absence de culture de partenariat local ».’
Notes
212.

Voir la page 113 pour la fiche signalétique du groupe.

213.

Il y a 20 ans, le thème de l’allongement significatif de la scolarité en général et des études supérieures en particulier n’était pas encore aussi saillant.

214.

Giraud C., (1993), « L’action commune, essai sur les dynamiques organisationnelles », L’Harmattan, Paris.