3.2. De l’Etat bienveillant à la structure anonyme

Si l’on considère que c’est tout le devenir d’une micro-société que le groupe a entrepris de penser, on comprend plus facilement que l’une des valeurs234 affichées par le groupe soit celle de citoyenneté235. Cette approche empirique d’une notion très discutée renvoie à une acception du mot qui se décline sous deux modes, celui de l’individualité (il s’agit du citoyen militant qui agit et qui s’accomplit des devoirs qui lui incombent en tant que membre d’une communauté), celui de la collectivité (on a affaire alors à une conception de l’action collective où prime la défense de l’intérêt collectif avant celle des intérêts privés). Cette revendication a induit en partie la démarche de diffusion de l’innovation portée par le groupe observé, à commencer par le fait que le groupe a entretenu des rapports étroits (au sens propre et au sens figuré) avec l’Etat, les élus, plus généralement avec ce que certains participants ont souvent désigné par cette appellation anonyme, les structures. Un décodage de ce que signifie être un groupe citoyen dans le discours des membres va nous permettre de dégager trois types de relations entretenues avec ces structures, démarche d’autant plus nécessaire que le compte rendu de la réunion du 4 juin 1997 fait état des questions suivantes : quel rôle doivent jouer l’Etat et les collectivités locales dans la diffusion des technologies d’information et dans leur utilisation ? faut-il établir des partenariats entre les collectivités locales, l’Etat et des associations d’appui pour accélérer cette diffusion en combinant les projets publics et privés ? quelle place doit occuper la société civile (les entreprises, les citoyens que nous sommes) dans ce type de démarches solidaires ?

Notes
234.

Les valeurs modulent la représentation que chaque individu a de son propre intérêt. Elles sont un motif de comportement qui prend forme dans le parcours de tout individu ; elles peuvent correspondre à des orientations de l’organisation dans laquelle l’individu agit puisque l’organisation est un élément de son parcours (Giraud C., 1993). Pour certains membres, le respect de certaines valeurs a été le principal motif de comportement, voire l’unique, l’action du groupe n’ayant aucune retombée à moyen terme sur le plan individuel. S’ils ne visaient pas un intérêt privé, on peut dire qu’à travers la notion de citoyenneté, c’est la défense de l’intérêt collectif qui est devenue leur principale valeur.

235.

P. Chambat note que la citoyenneté se dilue dans l’ensemble de la société en s’affublant de qualificatifs qui la particularisent. Elle désigne selon lui plus des comportements d’implication que de conformisme, de réassurance et de reconnaissance mutuelle plus que de revendication ; portant sur des problèmes quotidiens, l’engagement personnel y apparaît comme la condition d’une identité personnelle et d’une solidarité collective qui sont à construire dans l’ordinaire des relations et des rencontres. Chambat P., (1995), « Espace public, espace privé : le rôle de la médiation technique », p95, L’espace public et l’emprise de la communication, ellug, Grenoble.