3.2.2. Grimpi face à L’Etat : la dialectique du manifeste236

Si l’on considère que c’est le militantisme qui fait des sujets de la communication d’authentiques acteurs se sentant investis d’une forme de mission (Lamizet B., 1998), on comprend aisément que la relation entretenue par Grimpi avec l’Etat et les structures en général se soient conjuguée aussi au mode de la reconnaissance.

‘« on a acquis désormais une certaine légitimité, on doit maintenant la transformer pour créer une nouvelle forme de proposition dans ce contexte ». « Quand on est élu, on ne peut pas penser à tout, et tout seul. On a besoin de professionnels dans chaque domaine et avant ça de paliers intermédiaires pour prendre conscience de certains enjeux. On a besoin d’appui pour faire le lien avec les préoccupations des citoyens...et çà, avec l’effet de mode Internet qui fait que tout le monde se sent le droit d’en parler comme si on était tous compétents, on l’a peut-être oublié...donc, peut-être qu’en tant qu’association citoyenne, Grimpi a un rôle à jouer...les élus et les institutions ont la légitimité décisionnelle mais ça n’est pas la seule légitimité »’

Ces extraits nous conduisent à nous arrêter sur la dialectique du manifeste. « ‘Il s’agit de donner par le discours une visibilité publique à l’engagement dont on est porteur et par là-même, de lui donner, à ses propres yeux, les formes symboliques d’une représentation dont on devient porteur, et qui dès lors, peut effectivement donner un sens à l’engagement ’» (Lamizet B., p225, 1998). C’est ainsi qu’il devient pour Grimpi aussi important d’agir que de faire valider nos perspectives, qu’il devient impérieux de se faire entendre et reconnaître : c’est tout le sens de la transformation attendue de la légitimité acquise que mentionne l’extrait. Bien entendu, par légitimité acquise, il faut traduire et comprendre à travers le discours une certaine forme de légitimité que le groupe n’a fait que s’octroyer, sous prétexte qu’il agit. Ainsi, lorsque le sous-préfet quitte ses fonction en mai 1998 et qu’il transmet le relais à son successeur et au secrétaire général de la préfecture, le groupe perçoit ce geste comme une reconnaissance officielle de l’Etat qui dit qu’on travaille bien.

Notes
236.

Voir B. Lamizet dans son ouvrage la médiation politique, p225. Nous notons que si le groupe observé se veut novateur et original tant dans sa forme que dans son objet, il nous amène également à questionner l’analyse que P. Mann fait de ce qu’il désigne comme les nouveaux mouvements sociaux (Mann P., p131-147, 1991). Ces derniers peuvent se définir selon lui par : une mobilisation plus identitaire et symbolique que professionnelle et fonctionnelle, c’est-à-dire par des thèmes plus centrés sur le culturel et la vie privée que sur les intérêts et le travail et visant plus l’opinion que l’Etat, par des formes d’action moins centrées sur la représentation que la participation, la protestation et l’expression et plus marquées par la fluidité que par la permanence de l’engagement, par une composition plus interclasse que référée à des appartenances de classe, par une organisation plus décentralisée et antihiérarchique que centralisée et bureaucratique.