3.3. La fin du cloisonnement sphère publique / sphère privée

La démarche de diffusion suivie par Grimpi a été également impulsée par le souhait de mettre fin à une situation jugée paradoxale par les membres les plus militants : en finir avec le cloisonnement qui sépare la sphère dite publique de la sphère dite privée, étant entendu qu’une question qui relève de l’intérêt collectif244 et qui engage une communauté ne saurait être traitée avec des logiques d’autres temps. Quelle ambition, si l’on considère  que la distinction public/privé est souvent définie à partir de deux critères, matériel et institutionnel, qui se recouvrent partiellement et que Grimpi tend à ignorer. Comme le souligne P. Chambat, « ‘au sens matériel, c’est la nature des activités qui est mise en avant (...) mais ce type de critères utilisé pour tracer la frontière entre les deux sphères d’activité a l’inconvénient de reposer sur une vision substantielle de l’espace public qui conduit vite à des impasses (...). D’où le recours à un second critère, institutionnel ou juridique : des lieux ou des problèmes spécifiques qualifiés de publics en tant qu’ils relèvent d’une institution publique. Le privé s’oppose ici au public, le secret ou l’inaccessibilité étant une condition de sa protection »’ (Chambat P. p68-69, 1995)245.

Nous avons déjà dit beaucoup sur la diversité des participants et sur les orientations prises par le groupe en matière de réflexion ; face à un sujet aussi innovant et qui supposait une approche également innovante, le projet de fédération des énergies et d’abandon des projets concurrents ou redondants passait également par la levée des barrières entre ces deux sphères. Ce décloisonnement souhaitable et attendu peut être entendu sous deux modes différents : harmoniser les modes de fonctionnement et faire en sorte que chacun ne réinvente pas l’eau chaude dans son coin (un secrétaire général de Préfecture) d’une part, et de l’autre, avant même de songer à agir ensemble, donner la possibilité matérielle à ces deux mondes de pouvoir se rencontrer. On retrouve donc ici la capacité qu’a eue Grimpi, dans une certaine mesure, à faire en sorte que des gens qui ne se seraient jamais croisés aient enfin l’occasion de le faire.

‘« s’il y a bien un domaine dans lequel il faut faire sauter les barrières qui sont autant de contraintes entre le public et le privé, c’est bien ce domaine-là. C’est bien dans le contact entre des gens du privé, qui ont besoin pour vivre de gagner de l’argent, et d’autres qui viennent de la sphère publique et dont la mission est de servir la collectivité que la confrontation va donner des choses intéressantes. C’est aussi parce qu’ils se rencontrent que ces gens-là, par les relations qu’ils ont dans d’autres sphères, diffusent un certain nombre d’idées... en tous les cas, c’est certainement pas en comptant sur la DATAR qui fait des circulaires illisibles pour dire aux gens, vous allez faire comme ça !’  » (un sous-préfet). ‘« Ce qui est intéressant dans votre groupe, c’est qu’il sort de la dichotomie habituelle public-privé...le type d’approche qu’il a oblige l’administration à sortir de ses schémas habituels’  » (un secrétaire général de Préfecture).

On peut s’interroger alors sur les propos de P. Zarifian qui note que « ‘les associations manifestent un souci de citoyenneté, un sens du devenir commun mais traitent sur le registre du social-local un problème qui devrait relever de la pensée et de l’action politique. L’action sociale a pris la place de l’action politique »’ (Zarifian P., p10, 1997)246. Nous avons déjà soulevé la question de la légitimité de l’engagement de Grimpi dans la diffusion des télé-activités vis à vis des concitoyens dont il se fait le représentant ; la question se repose peut-être vis à vis des pouvoirs publics en charge de l’avenir du département et de ses habitants.

Notes
244.

De façon totalement instinctive et empirique, Grimpi a fait la preuve qu’une attention particulière devait être portée à l’évolution et la perméabilité de la frontière entre public et privé mais aussi aux processus de construction des problèmes publics.

245.

Chambat P., (1995), op. cit.

246.

Zarifian P., (1997), « Eloge de la civilité, critique du citoyen moderne », L’Harmattan, Paris.