3.3.1 Un activateur de rapports humains

En décidant de jouer le rôle d’une courroie de transmission entre deux sphères qui, traditionnellement, s’opposent, Grimpi a également entrepris de dynamiser la population locale en favorisant les rapprochements entre des citoyens, (l’accent est porté sur la dimension civique plus qu’individuelle de la personne), des secteurs professionnels (intrusion du monde industriel et marchand), des préoccupations qui n’étaient pas si éloignées. D’où la volonté de se poser sur le territoire en activateur, ce terme signifiant bien qu’il fallait solliciter, mais que tout n’était pas à construire.

En outre, la notion de pays dans le discours attaché au territoire a longtemps été connotée de façon négative : on lui associait des valeurs désuètes, des comportements conservateurs, et toute la panoplie des difficultés engendrées par le fait d’appartenir au monde rural. Depuis 1998, cette appellation a retrouvé ses lettres de noblesse puisqu’elle est désormais reconnue par l’administration en tant qu’entité et s’accompagne de démarches militantes où il est plus question de modernisation sans toucher à une identité bien ancrée que de pratiques rétrogrades qui prêtent le flanc à la critique et aux vieux clichés. C’est ce sursaut de dignité que le groupe a souhaité insuffler, partant du principe que la dynamique favorable à la diffusion des télé-activités ne pouvait être déconnectée du milieu qu’elle entendait faire revivre. C’est dans cette perspective que plusieurs réunions-rencontres ont été organisées afin d’aller au-devant des indécis ou des timorés, l’intention de départ n’étant pas de promouvoir les technologies mais seulement le pays.

‘« La technologie, on essaye de l’introduire dans notre présentation très progressivement et à petite dose...moi, souvent, je démarre en disant un truc comme ça...euh on vous parle d’Internet mais l’homme, le citoyen, le pays, ils sont où dans tout ça ? ...alors quand je démarre comme ça, en général je suis bien accueilli parce que les gens n’ont pas l’habitude que quelqu’un qui va parler des technologies valorise leur pays...si vous regardez un peu la télé ou si vous lisez des journaux, vous verrez que en toile de fond, y a encore beaucoup de gens qui ont tendance à dénigrer ce pays et à en parler comme d’un endroit où Internet n’ira jamais parce qu’il n’y a que des attardés et des abrutis...ou pire on va s’extasier sur la beauté d’une vie simple, comme si tous les Ardéchois avaient des chèvres chez eux, et là, on disserte et on déraisonne sur les possibilités d’Internet pour communiquer et faire de l’interculturel avec le monde entier, vous voyez ce que je veux dire... » (un chef d’entreprise).’

Bien entendu, sans aller jusqu’à parler de démagogie, il est beaucoup plus facile et tactiquement utile de commencer une allocution par les propos probablement attendus par une majorité de l’auditoire, mais que ce dernier est surpris d’entendre dans la bouche d’un défenseur et promoteur de la technologie. Cette astuce est un ressort habituel du discours quand il doit galvaniser ou convaincre et il n’est pas surprenant que les porte-paroles de Grimpi en aient usé à l’occasion pour entraîner la sympathie. L’intérêt de la démarche est d’avoir su dépasser le stade du discours et de s’être donné les moyens de bâtir une réflexion.