4.1.1. La logique de maillage, le réseau, et la communauté d’intérêts : « l’effet de club »

Le besoin de se rapprocher de certains milieux pour pouvoir avancer dans la réflexion entreprise s’est très rapidement imposé. Ce rapprochement s’est d’abord entendu dans un sens imagé dans la mesure où le groupe a dû traduire une partie de sa réflexion dans le langage des acteurs qu’il souhaitait toucher et s’est surpris à « rogner » sur ses ambitions de départ pour être en phase avec leur niveau de connaissance : cette révision temporaire à la baisse des premiers objectifs annoncés semblait nécessaire pour pouvoir embrayer. Le compte rendu de la réunion du mois de juin 1998 porte ainsi la trace de cette prise de conscience.

‘« nos projets ne peuvent avancer sans partenariat, Grimpi n’est pas encore assez fort, mais les partenaires locaux ne peuvent aller qu’au rythme des stratégies intercommunales : faut-il attendre pour que le problème de l’embrayage entre ces groupes d’acteurs différents soit solutionné ? ». ’

En ayant pris la décision d’apparaître dans la fonction de propagateur de concepts et d’idées à destination des entreprises, des collectivités et de la société civile, Grimpi s’est pris à son propre piège puisqu’il devenait logique d’attendre ceux qu’il entendait initier. Nous retrouvons ici, dans une certaine mesure, ce que N. Alter avance à propos de l’acteur individuel quant à la nécessité de trouver un équilibre254 entre un investissement faible (insuffisant pour mettre en oeuvre un projet et suivre sa propre rationalité) et un investissement trop lourd (qui conduit à y renoncer)(Alter N., 1993)255. Sans forcer la comparaison entre l’acteur individuel et l’acteur collectif, nous avons pu constater à plusieurs reprises que Grimpi a dû choisir, parfois stratégiquement, parfois par lassitude, de se soumettre à la contrainte plutôt que de recourir à l’effort et au risque.

Le partenariat a donc été éprouvé à travers la difficulté à faire avancer des acteurs aux logiques256 et au rythme de progression décalés. La tentative de le créer était néanmoins réelle, à commencer par une sollicitation officielle pour s’associer au projet des Inforoutes, tentative déjà commentée. Il est intéressant de noter que jusqu’au milieu de l’année 1998, tous les compte rendus reprennent ce leitmotiv, quel que soit l’objet de la réunion initialement planifié. On parle de dynamique de territoire, d’addition de projets, de dénominateur commun, la finalité de cette démarche étant la recherche de synergie.

Notes
254.

Ces remarques sont liées au contexte d’une organisation.

255.

Alter N., (1993), « La lassitude de l’acteur de l’innovation », Sociologie du travail, n°4.

256.

C. Giraud souligne bien que les aléas de toute action collective tiennent à trois facteurs : l’instabilité des relations, la difficulté d’une maîtrise des effets des décisions, et particulièrement, l’ajustement des rationalités (Giraud C., 1993), op. cit. C’est ce dernier critère qui a sans doute posé problème à Grimpi.