4.2.1. Mobiliser et faire germer des projets ou comment fertiliser un territoire

Lorsque les économistes se querellent pour tenter de stabiliser une théorie de l’innovation, plusieurs propositions émergent. On parle du cycle de l’innovation, des grappes d’innovation, d’espace local d’innovation259. Humblement et de façon totalement empirique, l’action entreprise par Grimpi nous conduit à souscrire aux trois puisque c’est à une tentative de combinaison de ces effets que le groupe s’est livré. Qu’il s’agisse de la montée en puissance des compétences du groupe, de l’aide apportée à de petits projets,  de l’énergie et de l’argent dépensés pour mettre en oeuvre la plate-forme, de la multiplication des initiatives pour faire en sorte que des acteurs locaux n’aient plus d’autres alternatives que d’adhérer au projet, c’est à une véritable tentative de fertilisation du territoire que nous avons assisté. L’idée de départ, à savoir la création d’une dynamique, pouvant s’apparenter aux grappes générées à partir d’une innovation unique ou à l’espace local où toutes les conditions sont réunies pour pouvoir innover nous autorise à parler d’un groupe-entrepreneur.

En outre, si l’on rajoute à cela que la mise en oeuvre des différents facteurs de production que sont les agents naturels, le travail et le capital pour aboutir à un projet a fait l’objet d’une réflexion poussée et a demandé beaucoup d’engagement, on peut convenir que Grimpi, ou en tous les cas une partie de ses membres, était animé par l’esprit d’entreprendre. Si l’entreprise, au sens large, tient dans la mise à exécution d’un dessein, alors, on peut écrire sans se tromper que Grimpi a voulu en créer une. Il est intéressant de noter que le développement de la plate-forme a conduit le groupe à monter une association, comme s’il fallait à tout prix éviter de ressembler à une vraie entreprise dont le principal moteur aurait été la recherche de bénéfices et de fonds.

Dans une optique légèrement différente, on peut être tenté de faire également un parallèle avec les entrepreneurs d’H. Becker, ces individus qui se situent au coeur de ce que la sociologie interactionniste appelle des mondes sociaux260 (Becker H., traduction française de Métailié A-M., 1985)261. Les entrepreneurs sont ceux qui permettent une articulation du micro et du macro-social, articulation qui trouve son expression la plus visible dans le concept de ‘« groupe de référence » : « les groupes de référence partagent des perspectives qui leur permettent une action collective se manifestant par la construction de mondes sociaux (...). Par ailleurs, des individus peuvent appartenir à plusieurs mondes sociaux »’ (Flichy P., p118, 1995)262.

Notes
259.

La liste est loin d’être exhaustive. Voir Coriat B., Weinstein O., (1995), « Les nouvelles théories de l’entreprise », Le livre de poche, Paris.

260.

Derrière le concept de monde social, nous trouvons celui d’objet frontière, lequel est défini comme un objet positionné à l’intersection de plusieurs mondes sociaux mais répondant en même temps aux nécessités de chaque monde.

261.

Métailié A-M., (1985), « Outsiders, études de sociologie de la déviance », Free Press, Paris.

262.

Flichy P., (1995), « L’innovation technique », La découverte, Paris.