2.1.1. Un projet d’expérimentation sociale et technologique

Les initiateurs du projet ont mis l’accent sur le fait que toute action entreprise en faveur de la diffusion des télé-activités devait associer autant l’humain que le technologique. Ils ont également souhaité présenter Vercors Connect comme le laboratoire des télé-activités : c’est la raison pour laquelle nous parlons ici d’expérimentation technologique et sociale. On constate que la dimension technologique est très présente puisque les trois sous-projets ont occasionné un recours massif à des applications sophistiquées, impliquant à chaque fois un temps de formation et d’appropriation pour que l’outil soit domestiqué. De la visio-conférence au Télespace à la réplication de bases dans les réseaux buissonniers, en passant par Internet et le courrier électronique avec la CyberPoste, c’est donc toute la panoplie des télé-activités qui a été déployée quasiment en simultané sur le territoire des sept communes concernées par les projets.

Néanmoins, afin d’afficher clairement que le projet est parti du postulat suivant lequel il n’y a pas d’innovation technique s’il n’y a pas d’innovation sociale, on note qu’au laboratoire des télé-activités (la dimension futuriste de l’apprenti-sorcier est présente), sera associé un nouveau dispositif humain facilitant la création de nouveaux rapports entre les administrés. On retrouve la dimension déjà évoquée à propos du territoire ardéchois de la technologie qui relie et devient synonyme de collectif mais c’est également l’idée de création et de nouveauté qui domine. Parler d’expérimentation sociale s’est donc traduit dans le discours de nos interviewés par des remarques mettant en avant la capacité du projet à donner les moyens de vivre et de travailler autrement (on associe à la fois l’idée de proximité, monde domestique, et d’impératif économique, monde industriel ou marchand) ou encore la possibilité de préparer nos concitoyens à un village montagnard où tout le monde puisse communiquer.

Si l’on retrouve les fantasmes déjà bien connus des porteurs de projets tels que Aspasie (créer une nouvelle vie de quartier grâce à la télématique290) où l’on envisage les T.I.C. comme des outils facilitant automatiquement la mise en relation, la dimension expérimentale à l’échelle d’une société a eu une tonalité supplémentaire dans les propos recueillis : il s’agit également d’insister sur les besoins de trouver une solution collective permettant à des administrés majoritairement attachés à un environnement remarquable de rester au pays.

‘« J’espère que tout ce qui est télé, j’entends par là télétravail, téléformation, enrichira la proximité et permettra de mieux échanger avec son voisin, sa famille, son village et qu’ainsi nous apprenions à mieux nous connaître pour penser ensemble et exister comme une communauté »291. ’

Ainsi, comme le constate A. Mons, « face à une impuissance de la société globale, se substitue l’espoir dans les capacités innovatrices de la société locale » (Mons A., p 60, 1992)292.

Notes
290.

Voir le chapitre 4.

291.

extrait d’un discours du sénateur Jean Faure prononcé le 8 janvier 1998 à Autrans lors de l’ouverture des Deuxièmes Rencontres de la société française en réseau.

292.

Mons A., (1992), « La métaphore sociale », Sociologie d’aujourd’hui, puf, Paris