2.2.2. La culture cyber et le monde marchand : « quand les marmottes se mettent au télétravail302 »

Le versant économique, marchand et industriel du projet s’est donc résolument tourné vers des applications facilitant la mise en place de situations de télétravail, cette notion étant visiblement entendue dans son sens le plus étroit303, celui qui consiste à donner les moyens à des salariés de travailler dans un centre distant de leur entreprise.

‘« Le second axe prend en compte la notion de télétravail, c’est-à-dire l’application des T.I.C. pour travailler à distance dans les secteurs tertiaires à fort développement. Le District met à disposition un bâtiment d’accueil pour les futurs télétravailleurs304. De grandes entreprises ont déjà accepté de délocaliser un certain nombre de leurs cadres et ingénieurs chez nous. C’est déjà une belle victoire » (Sénateur J. Faure). ’

S’il a été décidé ne pas souscrire à la mode de l’époque qui parlait surtout de télécentre (rappelons que c’est le terme de Télespace qui a été choisi), c’est probablement parce que la connotation doublement futuriste et moderne qu’associe notre esprit à télé et espace permettait d’insister sur la référence du projet à un monde en devenir. Mais l’impératif économique apparaît très clairement ici : d’un discours visionnaire sur le laboratoire expérimental, on passe à un versant pragmatique du projet où il devient question de rentabilité, voire de valeur ajoutée, la référence à l’univers de l’entreprise primant sur toute autre monde (secteur tertiaire, développement, grandes entreprises, cadres, ingénieurs).

Nous l’avons dit lors de la présentation initiale, ce sont au total une trentaine d’emplois qui ont été délocalisés sur le plateau, avec la ferme intention d’ouvrir une brèche qui crée un précédent dans l’histoire économique locale. La dimension exaltée ou exaltante du projet Vercors Connect (soulignée dans l’introduction de la section 1.2) réapparaît lorsque le Télespace est présenté comme une expérience permettant d’inciter peut-être les producteurs de bleu du Vercors-Sassenage, un loueur de gîtes ruraux ou un sculpteur sur bois de prendre l’habitude d’aller chercher leurs clients aux antipodes 305. On notera par rapport au souhait de départ306que le lien direct avec les commerçants ou artisans locaux relève plus d’un futur hypothétique que d’un objectif de court terme réaliste et envisageable. Néanmoins, comme c’était le cas avec le courrier électronique mis à disposition de la population, la dimension locale, rurale, voire authentique du Plateau n’est pas oubliée (gîtes ruraux, sculpteur sur bois, producteur de bleu), et ce afin de coller à l’appellation revendiquée de projet de société.

Notes
302.

Reparaz de A., (1996), « Quand les marmottes se mettent au télétravail », Télétravail Magazine, n°2, février-mars.

303.

Il n’y a rien de péjoratif dans notre appréciation ; nous faisons seulement allusion à la liste devenue caduque depuis cette époque, qui répertoriait une dizaine de situations professionnelles bénéficiant du label télétravail.

304.

Aucune étude de marché ou de faisabilité n’a été réalisée pour apprécier le potentiel de salariés et/ou d’entreprise susceptibles de franchir le pas.

305.

Extrait d’une interview accordé par un des salariés du Télespace au Dauphiné Libéré, article paru le 24 octobre 1996.

306.

C’est-à-dire la création et le maintien de l’activité économique.