2.3.1. Quatre variations autour du même thème

Les documentations officielles qui présentent le projet s’accordent sur l’identification de quatre objectifs différents allant du développement économique à la diffusion des télé-activités en passant par l’identification de nouveaux usages et la mise en place des infrastructures de demain. La difficulté pour s’y retrouver ne vient pas tant du fait qu’on en dénombre quatre308 mais bien plus de l’absence de classement en termes de priorité et de relation de causalité ou d’interdépendance. C’est sans doute cette absence de définition d’un objectif clair (la version positive en serait le compromis), capable d’engendrer un consensus, qui explique que chaque maire ait vu dans Vercors Connect une facette différente309 de l’un des objectifs cités ci-dessus.

‘« Vercors Connect, c’était un pari pour dynamiser l’activité économique, et donner une image de marque à la région... y avait un pari qui était de dire que les entreprises pouvaient s’installer » (un maire). « Vercors Connect, c’est un projet de société en ce sens qu’il s’agit de supprimer des barrières, je ne l’ai pas ressenti comme un projet portant sur le plan économique mais comme l’occasion de mettre à disposition de la population des moyens permettant d’avoir autant de possibilités d’accès à l’information et à la culture qu’un parisien » (un maire). « C’est une ambition visant à donner un nouveau souffle par rapport à une culture monotouristique, au début, c’était juste s’équiper pour pouvoir héberger des télétravailleurs » (un maire). « Ça consiste à mettre en place des pôles équipés où les gens puissent avoir les moyens de créer et de travailler. Le projet est lié à l’animation de ceux qu’on appelle les pendulaires » (un maire). « On expérimente et on verra ce que ça donne. On s’est pas dit des trucs du genre, dans cinq ans, on pourra dire qu’on a avancé si tant de personnes vivent directement ou indirectement de ce concept, de notre projet » (un maire). ’

La variété des interprétations ne pose pas de problème en soi ; elle est même source de richesse et traduit la multiplicité des vues à associer. Tout l’enjeu est de pouvoir jouer sur cette variété afin d’obtenir l’implication des maires, chacun espérant trouver dans le projet ce qu’il juge opportun pour sa commune : face à la promotion de l’innovation, certains espérent la création d’une zone artisanale quand d’autres entrevoient la mise en place d’équipements facilitant l’animation.

Sans rentrer dans des considérations qui, a posteriori, « tombent sous le sens » et empruntent autant au sens commun qu’à l’observation scientifique, insistons tout de même sur le phénomène suivant : cette situation valide parfaitement la remarque de J-D. Reynaud selon lequel la prise de conscience d’un intérêt commun ne suffit pas pour qu’une action collective se

développe (Reynaud J-D., p73, 1993)310. Cette dernière requiert la mobilisation, laquelle est le fruit d’adhésion à des valeurs et à un projet. Ceci fera l’objet de développements dans la section 3.

Notes
308.

Ce n’est pas une énumération au sens strict du terme, les quatre objectifs recensés étant complètement liés.

309.

En fonction du nombre d’habitants présents sur la commune, de leur appartenance à telle ou telle « classe sociale », du nombre d’artisans et d’entreprises présentes ou encore de la topographie des lieux, la palette des attentes possibles était riche en couleurs. Par exemple, la commune d’Engins ne compte qu’un seul commerce et s’appuie sur un flanc de montagne très escarpé. Ces deux caractéristiques sont présentées par le maire lui-même comme des freins au développement. En revanche, il s’agit d’une des deux communes les plus proches de Grenoble et l’essentiel de sa population est composé de fonctionnaires, cadres supérieurs ou encore techniciens. A l’inverse, la commune d’Autrans bénéficie d’un environnement exceptionnel pour le développement du tourisme mais attire moins la population, étant la commune la plus reculée du Plateau. Dans un autre ordre d’idées, Lans en Vercors est la première commune assise sur le plateau et profite donc d’un espace sur lequel elle peut potentiellement accueillir des locaux pour des créations d’entreprises.

310.

Reynaud J-D., (1993), op. cit.