6.1.3. Le dur métier de porte-parole

Il nous faut revenir un instant à l’imaginaire que nous avons dépeint et à la cohabitation de plusieurs univers, schématiquement ici, celui des élus (monde civique) et celui des foyers (monde domestique). En effet, l’idée de penser Vercors Connect comme un projet intercommunal a placé les élus dans le rôle du porte-parole, les accrochages des deux univers ne pouvant se faire que si un représentant s’exprimait « au nom de ». Ainsi, même en admettant que l’action et la décision ne partent que d’une seule instance356, le projet aurait pu bénéficier d’un rayonnement intercommunal bien différent s’il avait été au moins relayé au sein de chaque commune. Nous avons choisi trois critères permettant de montrer que ce positionnement du statut de porte-parole a été défaillant : l’organisation de réunions thématiques sur le projet de société ou l’un des sous-projets concernés, la discussion au sein du conseil municipal d’orientations impliquant le devenir de la commune dans le projet, et enfin, la publication d’un article ou d’un reportage dans le bulletin municipal diffusé tous les deux mois à l’ensemble des administrés.

Sur l’ensemble des sept communes, en l’espace de quatre années, aucun maire n’a souhaité organiser de réunion publique pour informer la population de ce que le canton entreprenait, aucun conseil municipal ne s’est réuni autour d’un objet de discussion directement ou indirectement lié à Vercors Connect, aucun bulletin municipal n’a fait mention, en bien comme en mal, du nom du projet ou d’une action à lui attribuer. Comme l’a souligné l’un de nos interlocuteurs, « ‘c’est révélateur de notre manque’ d’implication et du même coup de notre faible intérêt pour le projet ».

En outre, ajoutons que sur les sept communes impliquées, une seule mairie bénéficie pour le moment de l’accès à Internet, ce qui signifie qu’en termes de pratiques, l’activité administrative est restée inchangée. Ni le maire, ni les secrétaires de mairie n’utilisent dans le cadre de leur travail ce nouvel outil. Alors que nous nous étonnions de la faiblesse de ce chiffre au cours d’un entretien avec le maire d’une petite commune, ce dernier nous a fait remarquer que l’idée de connecter les mairies n’avait jamais été évoquée en réunion districale, ni même de les mettre en réseau. En d’autres termes, dès le début du projet, un cloisonnement s’est opéré entre chaque univers.

‘« La mairie a un accès à Internet depuis un an mais l’utilise très peu, peut-être par survivance de la culture du papier. Je sais qu’on devrait plus utiliser Internet car il y a des applications variées. J’ai pas beaucoup le temps d’aller sur Internet mais je déplore que nos deux secrétaires qui sont jeunes ne le fassent pas non plus. Elles n’ont pas pris cette habitude dans leur cursus ». ’

Enfin, nous devons terminer cette section consacrée à l’analyse de la démobilisation par le constat suivant : nous avons été reçue à chaque fois dans le bureau du maire et avons noté qu’aucun d’entre eux n’était équipé d’un micro-ordinateur. Nous les avons interrogés sur leur niveau de pratique en distinguant leur activité d’élu de l’activité professionnelle menée en parallèle pour certains. Sur les six maires et quatre conseillers rencontrés, un seul était familier du courrier électronique, son usage étant réservé à la sphère professionnelle. L’absence d’acteur exemplaire et de porte-parole au sein de chaque commune dans la stratégie de diffusion apparaît ici comme le premier écueil sur lequel a buté le projet. Non pas parce que nous croyons que chaque maire aurait entraîné un phénomène d’imitation derrière lui mais parce que sa place stratégique aurait été un ressort supplémentaire dans la recherche des utilisateurs finaux, puis dans le rayonnement du projet.

Notes
356.

Si cela avait été explicitement dit.