6.2.2. L’innovation technique sans l’innovation sociale ou le primat des experts

Cette dernière remarque nous fait glisser vers la suivante parce qu’elle laisse apparaître le spectre de l’expert qui décide, fort de ses compétences, pour l’ensemble d’une population perçue comme démunie. Le développement du projet a, semble-t-il, donné vie à cette figure et laissé champ libre à un acteur parfois traité de potentat, certains élus reconnaissant eux-mêmes avoir été victimes de leur manque de connaissances et éblouis par ceux que V. Scardigli appelle les nouveaux notables de la technologie.

‘« Faire appel à la base, c’est bien joli, mais on est obligé de faire appel à des gens compétents, c’est un projet compliqué vous savez, on peut pas faire appel comme ça aux habitants...ils ne sauront sûrement pas quoi dire. » (un maire). ’

C’est la multiplication de comportements qui prennent source dans cette confiance accordée aux experts qui a entraîné peu à peu la constitution d’un noyau dur auquel le pilotage des activités en cours et la création de projets futurs ont été entièrement dévolus. Comme nous l’avons déjà souligné, il ne s’agit pas de remettre en cause la compétence de ces spécialistes mais de rappeler que l’histoire de l’appropriation des technologies et de la diffusion de l’innovation est remplie d’anecdotes et de récits qui illustrent les dangers de cette nomenklatura technologique où se mêlent les fantasmes de société nouvelle et le progrès technologique. Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’auteur des propos mentionnés plus haut concernant l’incompétence supposée des habitants à intervenir sur le sujet souligne à la fin de notre entretien que « ‘ce que l’on peut reprocher, c’est qu’il y a eu un manque de communication de la part des structures et que le système s’est imposé aux villardiens...du coup, ça les dépasse un peu ’».