6.2.3. La légitimité de l’institution remise en question ?

L’appellation de district correspond à une réalité administrative dont la légitimité fait, semble-t-il, question. C’est en tous les cas à cette analyse qu’on peut aboutir si l’on en juge par les remarques émises lors de nos entretiens, notamment quant au domaine de compétences qui échoit à cette institution. Elle peut expliquer, au-delà d’une erreur de démarche de projet sur laquelle nous n’avons pas à nous prononcer, que la démobilisation de certains acteurs aient été lié à l’absence de fédération des sous-projets, certains porteurs de projet ne se reconnaissant pas dans le label Vercors Connect, et encore moins sous la houlette du District.

‘« Les gens des Réseaux Buissonniers n’ont jamais été officiellement informés de ce qu’était Vercors Connect...moi, je sais pas bien ce qu’il y a dedans, comment voulez-vous qu’on intègre pour nous les Réseaux Buissonniers dans Vercors Connect alors qu’on n’en a jamais parlé ? ». ’

Cette remarque a confirmé l’impression que nous avions eue en rencontrant séparément les différents acteurs intervenus dans les sous-projets, à savoir l’indépendance totale des actions entreprises et l’absence de cohésion pour soutenir un projet collectif. Il semble que Vercors Connect n’ait d’existence en tant que tel que dans les textes et présentations officielles, son existence réelle se limitant, en fait, à une juxtaposition de projets. Ceci explique qu’aucun acteur n’ait parlé du projet d’ensemble au cours de rencontres fortuites ou de contacts occasionnels mais toujours d’une action autonome. Cette référence à une entité collective placée sous le dénominateur commun de l’intitulé Vercors aurait été d’autant plus nécessaire que les Réseaux Buissonniers sont assimilés à l’Education Nationale (ou plus simplement l’école) et la CyberPoste à l’entreprise publique du même nom.

Enfin, soulignons également le fait que l’attribution d’une adresse électronique a entretenu le trouble et le phénomène de déracinement du projet, les adresses délivrées s’appuyant sur le modèle « pierre.dupond@laPoste.net », référence explicite à une entreprise, certes de service public, mais dont la vocation commerciale n’échappe à personne. Le cyberpostier nous a précisé qu’il était désormais possible de choisir une adresse plus neutre mais l’un des chargés de mission a confirmé qu’une localisation liée à la commune ou au Plateau aurait peut-être facilité l’acceptation du projet363, y compris en faisant une allusion directe au District.

La première dérive identifiée par nos interlocuteurs revient donc à dénoncer la logique de l’impact et à mettre un bilan mitigé sur le compte de l’imposition de la technologie à travers un mouvement vertical.

‘« Le District a cru qu’il y avait des gens qui allaient suivre. Or, ça n’a pas été le cas, d’abord parce qu’ils n’ont pas su, même pas essayé d’amener les gens du projet à adopter une vision commune des choses, ensuite parce qu’il n’y a eu aucun de travail de fait auprès de la population pour que l’intuition de Jean Faure soit partagée » (un ancien chargé de mission). ’

Ainsi, lorsqu’on revient sur les objectifs des présentations effectuées lors des réunions publiques, on note que le projet était déjà complètement ficelé, et qu’il s’agissait une fois de plus d’informer les gens sur ce que quelques personnes avaient décidé d’entreprendre sans les consulter, bref, comme d’habitude, si ce n’est que pour une fois, on prenait la peine de les réunir » (un instituteur). En d’autres termes, et pour reprendre la terminologie des sociologues des sciences, on constate que le processus d’intéressement nécessaire à la constitution d’un réseau d’alliances n’a pas fonctionné, chaque cellule ayant travaillé à faire émerger de nouvelles réalités indépendamment les unes des autres.

Notes
363.

La Poste est le partenaire de Vercors Connect mais conserve la propriété du concept aujourd’hui étendu à toute la France. Comme nous l’a indiqué la responsable de la communication, le dossier Cyberposte est surtout le moyen de revendiquer une certaine modernité et d’entrer sur un créneau de services grâce auquel la Poste peut élargir son marché.