Réunion du 30 septembre 1997

Document préparatoire à la réunion

Etat de nos réflexions sur l’appropriation des technologies de communication par un milieu rural tel que le nôtre

Les remarques formulées ici résultent, d’une part, du travail et de l’observation de l’évolution du domaine des TIC depuis le début des années 90, date à laquelle le conseil régional Rhône-Alpes commandait une saisine sur le rôle des TIC en milieu rural, au CES, qui m’était confiée, d’autre part, de l’ensemble des réflexions et observations faites par le groupe qui s’est réuni régulièrement autour de M. Alain. Si, en 1990, l’appellation NTIC se justifiait, cela n’est objectivement plus le cas aujourd’hui, bien que l’appropriation de ces technologies ne soit pas faite par l’ensemble des acteurs. Nous parlerons désormais de TIC. Il est aussi intéressant d’observer la distinction nécessaire qui doit être faite entre l’ensemble des techniques informatiques et leurs applications en matière de communication ; pour être synthétique, nous délimiterons ici notre propos au domaine télématique, à savoir l’utilisation des outils informatiques et numériques combinés dans le domaine des communications. En clair, l’outil que compose l’ordinateur, dès lors qu’il est articulé à un modem et utilise le réseau RTC des télécom, cette utilisation allant du réseau téléphonique au réseau numéris et à son application la plus médiatisée, Internet. Ou en sommes-nous en septembre 1997 ?

L’organisation d’une population, dans un territoire rural, se caractérise actuellement, du fait d’une population réduite et de l’éloignement de ses acteurs, par un maillage socio-professionnel fragilisé par la faiblesse de sa densité et de l’absence de culture de partenariat local. La pertinence des outils télématiques dans ce type de société n’échappe aujourd’hui à aucun des acteurs –utilisateurs qui les pratiquent professionnellement. Mais nous sommes encore dans cette période où, au-delà de certains archétypes magiques (la télétravailleuse à la maison entourée de ses bambins), la majorité des acteurs qui composent le monde socio-professionnel ne mesure pas l’avantage économique et social que l’on peut retirer d’une utilisation justifiée de ces TIC. Le temps passe, les applications se simplifient au point que nous sommes désormais en mesure de faire des propositions concrètes aux différents groupes d’acteurs qui composent notre tissu. Notre groupe de réflexion, composé de partenaires très divers, a l’avantage de croiser l’ensemble des acteurs qui composent le tissu social : collectivités locales, PME, monde associatif, agents administratifs. Il traverse par ailleurs la très grande diversité de nos champs de préoccupation : du tourisme au monde social, de la restructuration à la gestion collective (eau, paysages), de l’école au chômage, et à l’emploi des jeunes.

Enfin, les inforoutes et les besoins manifestés par diverses collectivités et entreprises environnantes nous permettent de penser que nous devons aujourd’hui nous organiser d’une manière plus structurée pour donner à la force de proposition que nous sommes de fait une pertinence réelle, qui initialise les procédures successives qui permettront un véritable développement local. Concrètement, et au-delà des propositions techniques qui vous seront faites, je souhaiterais que vous m’accordiez non seulement l’autorisation de présenter l’ensemble de nos réflexions (et la manière dont nous avons procédé, c’est-à-dire initiatives, participants, organisation des réunions et séances de formation autour de la plate-forme informatique du collège) au cours de diverses manifestations mais aussi que vous participiez à des rencontres avec des membres du conseil d’administration de la fédération des pays (delfra) et de l’UNADEL (union nationale des associations de développement local), dans le but de démontrer une expérience de développement local et de bénéficier d’une séance d’expertise dans l’accompagnement de notre projet.

ANNEXE au document préparatoire

Quelques explications techniques, nécessaires à la démonstration des enjeux. “ Internet, rien qu’un outil ”. Quelques définitions techniques et observations préalables sont nécessaires pour permettre de mesurer les enjeux que représentent les choix d’équipements proposés .

Après la révolution industrielle, nous entrons dans l’ère de la révolution Internet. Par son maillage décentralisé, le réseau mondial des ordinateurs bouleverse à grande vitesse l’industrie informatique, l’organisation commerciale et notre vie de tous les jours, par la toile numérique, le world wide web, en créant une nouvelle catégorie d’utilisateurs, le cybernaute.

Internet, un réseau de communication : Internet est un réseau qui permet à tous les ordinateurs à langage numérique connectés de pouvoir communiquer entre eux et de partager des ressources, par l’intermédiaire de machines informatiques. Il est ouvert à tout détenteur d’une ligne téléphonique et d’un micro-ordinateur, relié par un modem, maillon indispensable de la chaîne. Le modem de base transpose le langage numérique de l’ordinateur, en langage analogique, véhiculé par les lignes téléphoniques (RTC). Le réseau véhicule les données par différentes infrastructures : fibres optiques, câbles en cuivre, ondes hertziennes ou ondes courtes. Pour réaliser cette connexion, des milliers de centres serveurs vont abreuver d’informations des millions de clients qui seront connectés sur leurs services. Les routeurs sont autant de connexions-carrefours qui peuvent devenir des points de contrôle du système (péage, piège) suivant que les systèmes adoptés pour le transport sont différents (ATM, TCP/IP).

Les applications d’Internet reposent sur le principe client/serveur, l’ordinateur que l’on utilise étant le client. Le prestataire de service à qui appartient le serveur est le provider, auquel on accède par sa ligne téléphonique (RTC), ou une ligne numérique installée (RNIS). Il permet l’accès au réseau par un abonnement. C’est lui qui attribue l’adresse IP, adresse sur le réseau, hébergée chez le provider. Les coûts sont composés de frais fixes (abonnement au provider, au réseau téléphonique) et de frais variables : le coût de la communication, et de l’accès à la connexion si l’accès a une durée limitée. Toutes les informations sont traduites en langage HTML, qui permettent la transformation en image sur écran.

Les pages web reposent sur un format de fichier appelé HTML qui peut mélanger du texte, des images, des tableaux, du son et de petites animations. L’URL, sésame du web, est l’adresse complète du document. Le browser, le butineur ou le navigateur, permet d’interpréter le langage HTML utilisé dans les pages. En France, Netscape, Microsoft Explorer sont les plus connus. L’e-mail, le courrier électronique, est la fonction la plus utilisée sur Internet. Elle se reconnaît à l’@, son signe caractéristique. Elle ne requiert pas un matériel sophistiqué, ce qui laisse à penser que son utilisation est possible en tous points du globe, même sans infrastructure lourde, dès lors qu’une couverture satellitaire éviterait des coûts de câblage insupportables par certains pays. Quels sont les enjeux liés aux infrastructures ? L’exemple suivant est démonstratif des risques que fait courir à une économie locale le choix d’un équipement d’infrastructure, risque qui n’apparaît pas d’emblée : avec le projet Iridium, Motorola se prépare à lancer un réseau de téléphone mobile couvrant tous les points de la planète. Le système repose sur l’exploitation de 66 satellites défilants. Il ne nécessite aucun équipement au sol dans les pays utilisateurs. Il vise officiellement les pays en développement et envisage des tarifs inférieurs à ceux qui sont couramment pratiqués par les opérateurs nationaux. Dans ce nouveau contexte, l’infrastructure n’est plus qu’un aménagement du territoire. Elle est délocalisée. Il ne reste dans le pays client que la commercialisation des terminaux, objets nomades standards en vente dans le monde entier. Les clients s’abonneront dans les mêmes conditions qu’ils souscrivent à une chaîne de télédiffusion par satellite. La libre concurrence est garantie (pour les opérateurs capables d’expédier des dizaines de satellites dans l’espace, donc aujourd’hui, les pays occidentaux).

Ce schéma libéral apparaît alors comme parfaitement cohérent. Une fois le marché ouvert à la concurrence, des investissements massifs pourront être déployés...au Nord, pour vendre des services d’information diversifiés au Sud. Mais quels en seront les bénéfices en termes de développement ? Même si les systèmes spatiaux ne remplacent pas – ou pas tout de suite – la totalité des infrastructures au sol, ils peuvent séduire la clientèle la plus solvable et rendre le financement de réelles infrastructures locales, d’autant plus périlleux. Il en résulterait une détérioration ou un renchérissement des liaisons locale. Plus grave encore, les pays en développement risquent de souffrir de la délocalisation des emplois qualifiés. Plus besoin d’ingénieurs et de techniciens sur place, tout est géré à distance. C’est le potentiel technologique du pays qui peut ainsi être sinistré, réduisant à terme ses chances de conquérir une meilleure position.

L’enjeu : arriver à cette capacité de connexion pour que l’utilisation d’Internet soit égale pour tous. L’emploi de l’Internet est actuellement basé sur une liberté individuelle. Aucun code international ne régit encore son fonctionnement, les cybernautes et quelques organismes tentent d’établir des codes de bonne conduite et il est possible de trouver sur le web de multiples publications de ces codes. En France, seul le chiffrement visant à confidentialité est soumis à autorisation. Les méthodes de cryptage doivent être déposées auprès du premier ministre, au service de sécurité des systèmes d’information, loi de juillet 1996. Le gouvernement français vient d’autoriser des moyens de cryptage pour permettre de sécuriser l’emploi de cartes de crédit.