Annexe 3 : transcriptions d’entretiens

Entretien avec le chef d’entreprise, leader du groupe, le 6 mai 1998

Est-ce que vous pourriez me retracer votre parcours professionnel en quelques points ?

J’ai une formation d’architecte, une licence et une maîtrise d’urbanisme et c’est dans le cadre de ma maîtrise que j’ai découvert l’informatique car j’avais besoin d’UV et que y avait de la place en cobol et là-dessus j’ai fait un petit stage très rapide mais très formateur à l’IGN qui commençait à classer les cartes au niveau informatique.

Après, j’ai eu un parcours normal pour les gens qui habitaient paris à l’époque, c’était les années 70 et l’époque des grandes migrations vers les zones rurales. J’ai vécu une période très heureuse pendant quatre ou cinq ans où j’ai rien fait, ce qui fait que pour ma retraite, je suis tranquille, je l’ai déjà prise...en fait, j’ai beaucoup voyagé, j’ai eu différentes activités au Canada, en Israël, des pays que j’avais envie de visiter et quand la gauche est passée, ça correspondait plus à mes sentiments et je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire quelque chose dans la société, surtout qu’à l’époque, on nous faisait pleins de promesses pour changer la vie.

On a monté une société d’informatique puisque j’avais rapporté d’Angleterre un des premiers micro-ordinateurs, en 1979. Donc, on l’a monté en 1981, et d’ailleurs, j’y travaille encore. Par contre, à l’intérieur de cette société, j’ai eu un parcours professionnel, c’est-à-dire que rapidement on s’est intéressé aux communications, on a installé notre premier serveur minitel en 1983, qui sert encore, je correspondais à l’époque avec des sociétés qui depuis sont devenues des géants, comme microsoft aux USA, avec un modem, puisqu’à l’époque Microsoft n’était pas encore représenté en France alors que nous, on utilisait déjà les produits Microsoft.

Derrière, il y a eu toute une activité normale de société de service avec dans les années 85, une orientation vers les réseaux locaux qui commençaient à arriver. Puis, en 1989, on s’est mis à travailler dans une logique de rélétravail, on a à ce titre concouru à un appel à projet que nous avons remporté auprès de la DATAR, ça nous a mis en contact avec d’autres structures européennes qui nous ont permis de rentrer dans d’autres appels à projet, et, tout en gardant l’esprit de société de services, locale, très au fait des besoins locaux des PME TPE, on a continué à jouir du rôle de pionnier dans notre métier puisqu’on explore en permanence des nouvelles opportunités des NTIC.

C’est il y a quatre ou cinq ans que nous avons rencontré les technologies dites du travail de groupe, groupware, et qu’on a commencé à créer des partenariats avec d’autres entreprises, comme Vatis. Et tout ça a abouti aujourd’hui sur des propositions concrètes de plateforme de communication aux acteurs locaux.

Vous parlez assez souvent d’éthique dans les réunions, y compris dans le cadre de votre activité d’entreprise, alors l’éthique, ça représentait quoi pour vous, avant Grimpi ?

Dans le monde actuel, on est obligé d’avoir une logique multidimensionnelle, on ne peut pas se permettre d’être centralisé sur un point. On est le jour responsable d’une entreprise, le soir père de famille, le week-end membre d’une association et à d’autres moments citoyen. Il y a parfois des tendances contradictoires, on fait plusieurs choses à la fois, et l’éthique, la déontologie est obligatoirement présente et il est pas question de faire quelque chose simplement parce qu’un responsable de l’entreprise l’a demandé.

L’éthique est facile à mettre en place sur le plan personnel, c’est beaucoup plus difficile sur le plan de l’entreprise, surtout dans des périodes très concurrentielles sur le plan professionnel. D’autant plus qu’entre 80 et 90, on a vu passé une vague ultralibérale de petits golden boys dont le concept était « tue l’autre avant qu’il ne te tue ».

Ca, on y a échappé, la période est plus douce, et la déontologie me semble d’ailleurs plus facile à préserver dans le cadre d’un travail d’entreprise étendu que dans une seule entreprise. Je crois que c’est le partage qui permet de garder l’éthique.

Revenons à Grimpi, est-ce qu’on peut dire que vous en êtes le créateur ?

Je pense qu’il y a plusieurs tendances...alors, c’est toujours pareil, si on se refocalise sur son chemin à soi, j’en suis le créateur, l’initiateur mais si on considère qu’il y a plusieurs ruisseaux, il y a plusieurs initiateurs qui se sont trouvés. Je crois que MJ, dans son secteur d’activité à elle, avait l’intention de participer au développement local en introduisant des rapports transversaux avec des structures de type Etat, conseils généraux, etc...

Moi, j’avais des activités dites professionnelles et je souhaitais élargir mes relations professionnelles à des relations entre acteurs du territoire.

YA, jouant réellement son rôle de sous-préfet, et son rôle de responsable d’une partie de l’aménagement du territoire a ressenti ces besoins-là, lui avait également les mêmes véléités et tout ça s’est rencontré.

C’est très intéressant parce qu’il n’y a pas un créateur ou un concepteur de Grimpi mais un ensemble de bonnes volontés et d’initiatives qui se sont trouvés au bon moment.

A l’origine, l’objectif annoncé de Grimpi, c’était quoi ?

C’était de la réflexion prospective, très « nouvelles technologies, au départ. Pour nous, D et les partenaires, c’était une manière de promotionner les projets et de trouver des personnes capables de participer aux expérimentations. Pour YA, je crois que ça correspond chez lui à deux démarches, bien qu’il lui appartiendra de les confirmer ou non, c’était d’une part son rôle de sous-préfet et je crois qu’en tant qu’homme, c’était une manière de sortir du carcan administratif, du circuit relationnel qui lui était imposé. Mais je crois que l’aménagement du territoire, le développement local, était au coeur des démarches de tout le monde.

Au démarrage, les TIC représentaient quoi, avec la vocation de bâtir une réflexion autour, c’était une chance... ?

Les TIC, à l’époque, c’était deux éléments. D’une part des technologies sur lesquelles on a aucune préhension, qui sont toutes les mutations qu’on a vu depuis deux ans, libéralisation des télécom, verticalisation des entreprises, amélioration des technologies...aspect négatif et l’aspect positif des TIC vu qu’elles sont faciles d’accès, c’était la capacité d’appropriation par chacun des intervenants pour modeler leur utilisation sur le territoire et les TIC étaient en fait un prétexte fédérateur puisque personne dans le groupe et par la suite les gens qu’on a réuni n’avait vraiment de prééminence technologique sur les autres ou d’intérêt technologique plus important. Donc, ça a permis de trouver une plate-forme de discussion commune qui était acceptée par l’ensemble des participants.

Après deux ans d’existence, comment vous définiriez les idées, les valeurs dont le groupe se veut porteur ?

On les a défini quand YA a présidé la dernière réunion et a introduit Mr Demonet en tant qu’intérimaire en attendant l’arrivée du nouveau sous-préfet MM ; dans le tour de table, j’avais défini Grimpi comme un groupe citoyen veillant à une utilisation équitable de ces technologies, visant à en vérifier l’adéquation avec le territoire...et on était allé un peu plus loin parce que de temps en temps, il faut savoir provoquer, on avait dit que c’était un groupe citoyen qui veillait à ce que l’Etat reste lui-même citoyen.

Est-ce que dans le groupe, en tant que leader, même si c’est un mot auquel vous ne tenez pas, vous avez le sentiment de peser, d’avoir une capacité d’action supérieure aux autres ?

Alors, je souhaite être considéré comme un membre comme les autres mais en tant que D, j’ai une spécificité qui est mon activité technique, voire mes compétences...qui sont pas prééminentes par rapport à d’autres, mais qui sont de manière toute naturelle complémentaires. Là, on a un petit yatus sémantique...car à partir du moment où on partage un projet, certains ont l’impression qu’on le leur abandonne...or, partager, ça veut dire qu’il y un ensemble de choses à ma disposition, que je les partage mais que j’en garde une partie sous ma maîtrise. Donc, à de nombreuses reprises, j’ai souhaité ne pas être considéré comme leader et c’est pour ça que quand le projet Mesiane est apparu et étant entre autre généré par le groupe Grimpi, j’ai souhaité que les réunions ne portent pas exclusivement sur Mesiane.

A travers l’action de Grimpi, un des objectifs annoncés était de recenser les projets présents sur le territoire, éventuellement les porter, les appuyer...après deux ans d’expérience, est-ce que, si on prend par exemple le cas de B, Grimpi aura contribué à l’aider ?

Je crois qu’il y aura contribué de manière marginale...d’abord parce que ça lui aura apporté un support, un moyen d’expression, la transversalité des contacts lui a permis de rentrer beaucoup plus facilement en contact avec des interlocuteurs intéressants pour son projet, je pense au sous-préfet et à d’autres...ça a permis à son projet de bénéficier d’une publicité importante puisque par des voies différentes il a été communiqué à des structures comme l’Idate, la Datar, il a été publié dans les projets européens auquel participe D...Donc, de la même manière qu’on ne peut pas revendiquer d’être l’origine d’être du groupe, le groupe ne peut pas revendiquer la paternité des projets mais il y a contribué. Le groupe a également permis de démonter des projets qui ne se sont pas réalisés parce qu’ils ont été ressentis comme étant, soit des projets trop individualistes et n’intéressant pas le développement local, soit des projets officiellement intéressants pour le développement local mais officieusement des projets privés, destinés à des prises de pouvoir. Donc, je ne peux pas citer de projets mais il y en a deux qui avaient été présentés à la Préfecture dans le cadre de l’Europe qui ont été abandonné dans le cadre de Grimpi.

Pour revenir sur Mesiane, si on exclut les aspects technologiques, qu’est-ce que Mesiane introduit comme éléments d’innovation sociale sur le territoire ?

Alors...l’horizontalité des communications puisque sur la même plate-forme de communication, sans aucune notion de hiérarchie, des structures, des individus et des personnalités totalement différentes sont présentes...Dans le monde éducatif, ça a permis à des gens du public, du privé, même dans le milieu agricole, de se rencontrer, ça a permis à des entreprises de rentrer en contact avec des associations, et réciproquement, et ça a donc permis de sortir du cloisonnement et de la verticalité. Donc, l’innovation sociale, et c’est le terme que j’employais ce matin avec MT au Conseil Général, y a dans Mesiane, et je n’en m’étais pas rendu compte, y a une proposition d’organiser la transversalité. Alors, je m’explique, actuellement, les relations entre structures se font à deux niveaux. A des niveaux directoriaux, de directeur à directeur, de directeur de service à directeur de service, avec toujours une logique hiérarchique...et elles se font de manière transversale mais en relations non organisées. C’est un employé du Conseil Général qui a Midi déjeune avec un employé de la préfecture au restaurant administratif et ils s’échangent de l’info. Sans dire qu’il faille tout organiser, Mesiane peut permettre de mettre en place des structures transversales, qui elles sont organisées. Je suis surtout pas en train de dire qu’il faut supprimer les structures non organisées mais ça rajoute une troisième dimension. C’est-à-dire qu’actuellement, tout ce qui est transversale, c’est perdu pour l’entreprise puisque ça n’existe pas, et cette transversalité qui permet de créer des groupes homogènes composés d’une structure voisine de différentes entreprises permet d’organiser la transversalité et de capitaliser sur ce type d’échanges.

Qu’il s’agisse soit de l’action de Grimpi, soit de Mesiane, qu’est-ce qu’il y aurait dans l’élément du contexte qui joue en faveur et au contraire en défaveur de ces démarches ?

Alors, il y a dans les réactions vis à vis de mesiane des choses assez intéressantes parce qu’on a trois types de réactions. On a d’une part une réaction favorable, qui est en général celle des utilisateurs puisque souvent dans les technologies, quand j’interviens dans des colloques, j’ai envie de commencer mes interventions en disant « et l’homme dans tout ça ? ». L’homme, le citoyen, qu’est-ce qu’il est ? Alors, quand je démarre comme ça, mesiane est très bien accueilli puisque Grimpi est essentiellement composé de citoyens qui viennent à titre individuel et ne représentent pas des structures. Le deuxième accueil est un accueil d’opposition, clair et net, qui vient en général des structures qui disent qu’elles ne voient pas l’intérêt qu’elles y ont, y compris pécunier, et ce qui est intéressant, c’est le rapport intermédiaire qui est « c’est intéressant », « on attend pour voir », « on ne s’engage pas, oui, mais... », qui montre en fait que la transversalité est en marche et que ce qui fait peur...enfin, tout le monde attend au niveau structure, Etat, département, qu’un des autres acteurs plonge, et les autres plongeront derrière mais aucun n’ose pour le moment se mouiller. Ca, c’est intéressant puisque c’était le but poursuivi par grimpi, diffusion d’une idée, appropriation par les futurs utilisateurs, par les citoyens...Ce qui est intéressant dans le changement de majorité, même au niveau gouvernemental, c’est que contrairement à ce qui se passait il y a quelques années y compris pendant les années Mitterrand, l’Etat est désormais moteur, dans un certain nombre d’actions. Et là où avec le recul, on peut se féliciter de l’action de grimpi, c’est de se rappeler que Grimpi a été fondé à une époque où le premier ministre était Juppé, où tout un tas d’éléments qui paraissent évidents aujourd’hui n’étaient pas là, la profusion de l’accès à l’Internet n’était pas là...donc, il y a eu ces différents élémentsqui sont de la même manière que la création du groupe des moments de rencontre. C’est-à-dire que je crois qu’il y a des moments de convergence dans la société, il y a des mentalités émergentes, personne n’invente rien, il y a un flux.

Si on essaye de parler de logiques, Grimpi et Mesiane viennent en complément de la logique Inforoute qui est quand même portée par des municipalités ou c’est en parallèle ?

Ah, ça vient complètement dans la logique Inforoute mais on ne peut pas, malheureusement se prétendre d’une filiation avec eux puisque tous les contacts qu’on a pris envers eux sont restées sans suite, absence totale de réactions du SIVU. Néanmoins, ça s’inscrit sinon dans le fonctionnement des Inforoutes en tout cas dans le cadre de leurs statuts puisqu’elles ont l’objet de recenser les projets appelés à s’intégrer aux Inforoutes en milieu rural, d’offrir une expertise technique aux porteurs de projets en vue de leur intégration après avoir vérifié notamment l’équilibre budgétaire de chaque projet présenté et ses possibilités d’intégration au regard des autres applications, de tenir à jour ainsi que de diffuser la liste des projets actifs ainsi que leur mode d’emploi, d’évaluer l’impact de chaque projet au regard de son coût d’investissement et de fonctionnement, de proposer toute évolution de nature à optimiser le dispositif existant, de recueillir les fonds nécessaires (aparte, mais on a jamais rien vu)....Donc, nous on se sent dans l’esprit des statuts répondre totalement aux attentes initiales de ce syndicat. Ce syndicat est créé pour promotionner l’usage des technologies, fait germer des projets...on pourrait estimer que Mesiane est une continuité même si on a jamais eu de rapport. Il y a eu création par France Télécom, puisque le créateur des inforoutes est Bernard Brabet, il trouve en Mr Dondoux un porteur du projet, les inforoutes se génèrent...donc Mesiane n’est pas du tout un concurrent à une logique de promotion, c’est peut-être un des fruits à mettre au bénéfice des inforoutes même si les initiatives ont été individuelles. Ce serait dommage qu’il y ait sensation de concurrence, et ça ne s’adresse pas aux mêmes publics, les inforoutes, c’est avant tout la mise en place de tuyaux, de structures d’initiation et d’accueil pour les individus...Mesiane est une plate-forme de communication entre l’entreprise et les structures existantes.

Pour revenir à Grimpi, à chaque réunion, il y a toujours eu quelqu’un pour rappeler que grimpi était informel mais de fait il y a quand même eu une caution officiel ? Et pour la suite, il y a peut-être d’autres acteurs publics locaux avec lesquels il faut compter ?

Grimpi doit rester complètement informel, ne serait-ce que parce que dans d’autres circonstances, un certain nombre d’acteurs ne pourraient pas être présents, ou alors en référant à leur hiérarchie, et à ce moment-là, Grimpi devient un groupe d’influence ou un club...On va vraisemblablement dégager des notions de cooptation, d’invités réguliers...Grimpi va évoluer puisque à chaque réunion, il y aura un thème très précis qui ser aprésenté à la réflexion, j’ai des demandes de participation aussi diverses que celle des représentants d’un groupe de chômeurs, le responsable des renseignements généraux d’Ardèche qui est utilisateur des technologies et qui souhaite participer à ce débat. Donc, il faut que Grimpi reste informel. Au niveau de projets comme Mesiane ou d’autres structures qui pourraient voir le jour, y compris celui de Brouns, il est clair qu’il faut non seulement publier et informer les acteurs locaux mais qu’à terme on a besoin de leur acceptation, de leur aval ou de leur refus mais de manière claire. D’autres structures ont d’ailleurs été intégrées dans la réflexion du projet en cours de route, y compris France Télécom qui est intervenu en tant qu’observateur...là, Grimpi joue tout à fait son rôle d’information au niveau local.

M-J m’a dit que, de son point de vue, ce qui faisait l’originalité de Grimpi, c’est qu’il était en train de devenir un interlocuteur des municipalités alors qu’il n’avait toujours pas d’existence officielle et qu’à priori il n’était pas appelé à en avoir une, alors est-ce que Grimpi aurait pu agir de même s’il n’avait pas été cautionné par YA, si ça avait été un vraiment un groupe informel ?

J’aurais tendance à penser que non, toujours à cause de cette analyse multidimensionnelle, on vit dans une structure, dans cette structure, qu’on l’appelle la nation ou la société, il y a des points de repère, l’Etat est un point de repère fort, je suis heureux que l’Etat retrouve sa place car on était encore au moins localement en pouvoir néoféodal où le pouvoir appartient au Conseil Général et où l’Etat n’avait qu’un rôle consultatif, presque obligé. Donc, Grimpi s’est retrouvé « citoyen républicain » en recevant de l’Etat une caution qui était nécessaire. Je crois que l’Etat a amené une neutralité, si on ne confond pas l’Etat, les pouvoirs régionaux et les pouvoirs politiques, l’Etat existe en France depuis deux cents ans et c’est à cet Etat-là que nous nous sommes adressé et je crois que la personnalité d’Yvon Alain a fait que c’est bien cet Etat-là qui nous a servi de point de repère. Nous, on a tenu à ce que ça se passe nos réunions à la Préfecture, parce que c’est un territoire neutre. C’aurait été difficile de trouver un lieu de réunion aussi neutre et « réunissant » qu’une préfecture.

Par rapport à l’action de Grimpi, il y a eu des effets marrants comme celui de D, est-ce que ce genre de traduction de l’action de Grimpi se retrouve ailleurs ? Si le groupe en lui-même n’est pas visible, est-ce que son action commence à l’être ?

Oui, car la plupart des participants non techniciens ont bénéficié d’apports extrêmement intéressants pour leurs activités d’origine...ça a permis par exemple au SEBA d’envisager d’autres modes de communication, ça a permis au SIVA de déposer un projet d’intégration des technologies et de communication sur la vie de la rivière, ça a permis à des individus déjà impliqués dans des choses comme celui d’Ardèche-Sud de resituer son projet dans la technologie, ça a permis à des gens comme MJ qui avait des véléités de télématiques sans avoir eu l’occasion de pratiquer vraiment, d’y rentrer, le prochain effet se verra avec CM qui est restaurateur, qui va se retrouver dans la même position que RD, il va être apporteur de solutions de communications aux membres de son groupe de hôtels et restaurants. Il y a des exemples et en complément, pour les acteurs techniciens, en réciprocité, ça a été une source d’expérience, de remontée, ça a permis pour l’ensemble des acteurs de clarifier l’intérêt ou le non intérêt de démarches, de demandes...là-dessus, Grimpi a été très positif.

Donc, par rapport à l’objectif de départ qui était de la réflexion semi-intimiste, Grimpi a quand même bien fini par assumer, peut-être malgré lui, un rôle beaucoup plus important ?

Oui, il n’y a aucun doute là-dessus, on peut le présenter comme un médiateur et comme un centre de diffusion d’informations et de compétences.

En tant qu’observateur extérieur, ça paraît assez étonnant que le groupe existe depuis deuc ans alors que les gens qui y participent reconnaissent eux-même qu’ils y trouvent un intérêt mais qu’il ne va pas se traduire en espèces sonnantes et trébuchantes...qu’est-ce qui mobilise ce groupe, qu’est-ce qui fait qu’il tient depuis deux ans de façon aussi informelle ? Est-ce qu’il n’y a pas malgré tout le rôle de créateurs qui recanalisent, qui remotivent ?

Grimpi a généré beaucoup de rencontres hors Grimpi, c’est important, et je crois que le groupe a fonctionné et continué à fonctionner parce qu’il a bien démarré et je crois que le fait de dire « on va mettre des gens en contact » a tapé juste puisque la sélection des premiers invités s’est faite en disant on va inviter des gens qu’on aime, avec qui on s’entend bien, qui ont prouvé par leur action leur intérêt pour le territoire et pour beaucoup grimpi était ressenti comme une réaction, comme un moment attendu...

A la dernière réunion, DC avait émis une réserve sur la viabilité du groupe en disant que de son point de vue, il risquait de se dénaturer et de devenir trop intimiste, de perdre de son efficacité s’il ne devenait pas plus public, qu’est-ce que vous en pensez ? Comment ça peut se traduire ?

Par les résultats...les invitations initiales étaient « nous n’invitons que des gens qui ont réalisé des projets ». On ne voulait pas de ces porteurs permanents de projets, suceurs d’informations, de subventions, dont on voit jamais les résultats...Il y a beaucoup de projets que je connais qui ne sont pas des projets de diffusion et encore moins des projets de partage, des projets-citoyens. Grimpi doit rester tel qu’il est, hors du temps, hors des pressions extérieures, dans lequel se réunissent des personnes qui ont participé, participent ou participeront à des projets qui réussissent. C’est par ces projets qu’on saura si l’action de Grimpi a servi, l’exemple type étant RD mais on ne peut pas faire de la publicité pour un groupe de pression...d’incitation...on ne vend rien.

Si le groupe apporte quelque chose à la collectivité, est-ce que ça veut dire que quand PT aura 70 ans, Grimpi continuera à se réunir ou est-ce qu’il y a un jour où vous aurez le sentiment d’avoir abouti ?

Ce type de réflexion citoyenne, horizontale va continuer, ça s’appellera autrement...y aura d’autres acteurs, ça doit exister ailleurs, sur d’autres thèmes, et ces groupes d’interpénétration servent...Quand on a fondé mesiane, avec l’association, on avait presque envie de prévoir dans les statuts une date de fin...de dire l’association est créée dans un but. Quand on regarde Grimpi entre les participants de début et les participants actuels, il y a un noyau stable mais il y des nouveau x venus...je souhaite que ça dure encore au moins un an dans le cadre actuel d’hébergement par la Préfecture...ce qui est marrant, c’est qu’on génère des propositions de constitution de groupes similaires dans d’autres structures. Je suis en train de proposer ça, de recréer le modèle Grimpi plus Mesiane auprès du Grand Lyon pour un projet ciblé « création-transmission d’entreprises », dans le cadre des formations que je fais pour la sensibilisation aux technologies de la com dans les préfectures, j’ai semé des graines dans la Nièvre en disant que ce serait bien qu’il organise un groupe de réflexion, citoyen, horizontal, pluridisciplinaire et une action technique orientée et là on revient vers l’éthique car la surveillance que grimpi ou un groupe semblable peut apporter à une structure comme mesiane permet de veiller au respect de valeurs de base. On revient à la notion de groupe, un groupe ne peut pas dépasser un certain nombre de fonctions, il doit rester dans son coeur de projet, et à ce moment, il génère d’autres groupes, et ils travaillent ensemble, et ainsi de suite.

Juste une dernière question, je l’oublie à chaque fois, qu’est-ce que ça veut dire Grimpi ?

Ah, c’est un Groupe de Réflexion et d’Incitation à la Mise en Place de technologies Innovantes. Le « t » a sauté parce que je voulais un son intéressant...alors Grimpi-Green Peace, et puis comme j’étais en colère, Grimpi, c’est grincheux...et puis après il fallait mettre des termes derrière, donc, le « g » pour groupe, ça allait bien, mais il y eu des propositions beaucoup moins sérieuses pour l’achronyme.