Partie 1. Prédominance de la filière d’études et définition des deux populations étudiantes

Chapitre 1. Le primat de la matrice disciplinaire dans la définition des pratiques et des populations étudiantes

La filière d’études commande, ici, l’ordre de l’analyse, puisque nous montrerons qu’elle constitue un contexte de socialisation particulièrement différenciateur des pratiques et des représentations du travail intellectuel, tandis que les variations dans les conditions sociales d’existence et les situations sociales « personnelles » des étudiants occupent une autre position puisqu’elles spécifient, dans le cadre de chaque discipline, cette socialisation35. Mais développons nos arguments...

Deux raisons essentielles peuvent être invoquées pour rendre compte de l’influence particulièrement discriminante de la filière d’études dans la définition des pratiques et des conduites intellectuelles étudiantes. Si la filière d’études constitue une matrice de socialisation des pratiques particulièrement puissante, c’est d’abord parce qu’elle développe et organise un ensemble de traditions intellectuelles, de savoirs, de formes de transmission et d’exercice de la connaissance qui lui sont spécifiques et dont la définition est relativement indépendante des conditions sociales d’existence de ses étudiants.

C’est ensuite parce qu’elle cristallise un ensemble de différences sociales et culturelles liées aux spécificités sociologiques de son recrutement, c’est-à-dire au processus diachronique, sociologiquement déterminé, de sélection, de classement, de hiérarchisation et de production scolaire de sa population étudiante ainsi définie par un certain passé, lui-même déterminé par l’action continue dans le temps des conditions sociales d’appartenance et d’existence.

Notes
35.

Nous empruntons ici la formule de Jean-Claude Passeron et François de Singly dans leur article : « Différences dans la différence : socialisation de classe et socialisation sexuelle », Revue Française de science politique, 1984 / 1, pp. 48-78.