I.B. Répartition des étudiants selon l’origine sociale

S’il faut rappeler que l’Université constitue, quel que soit par ailleurs le groupe social d’appartenance, la modalité d’accès à l’enseignement supérieur la plus fréquente et la plus probable55 de même en va-t-il pour les filières “Lettres et sciences humaines”56 —, la répartition des étudiants dans les différents sous secteurs de l’enseignement supérieur selon l’origine sociale, le sexe ou le type de baccalauréat, varie sensiblement, et avec elle les profils du recrutement social qu’opèrent les différentes filières d’études, fort dissemblables et socialement hiérarchisés.

Tableau 1. Origine sociale et type d’études supérieures
  CPGE IUT STS Droit/Sc. Po Sc. écoq. Sciences Let.&Sc.hum. Médecine
PCS du parent de référence
Agriculteur 2,7 4,3 6,0 3,1 2,9 3,8 3,2 2,9
Ouvrier 11,1 19,6 30,1 13,2 12,7 14,3 19,1 10,1
Employé 10,3 18,3 23,6 16,2 18,0 15,8 17,2 11,4
Art. Com. 5,9 9,0 7,3 9,3 7,6 6,8 8,2 7,8
Prof. int. 18,3 20,2 17,5 17,3 17,1 18,4 18,6 14,9
Cad. sup. 49,5 24,4 11,6 36,1 38,9 36,9 28,4 48,7

GRIGNON Claude et al., Les Conditions de vie des étudiants, Paris, La Documentation française, 1996, p.14.

Si l’on considère la répartition des étudiants par l’origine sociale, la hiérarchie sociale des filières57 s’étend des classes préparatoires aux grandes écoles et de la médecine (filière bien spécifique au sein de l’université, on le verra) les plus prestigieuses, sélectives et “bourgeoises” dans leur recrutement puisque pas moins de 49,5%58 et 48,7% respectivement de leurs effectifs sont recrutés parmi les familles de cadres et professions intellectuelles supérieures —, aux Sections de Techniciens Supérieurs, les plus “populaires” avec seulement 11,6% de leurs effectifs issus des milieux socialement dominants.

Ils sont encore 24,4% en IUT, 28,4% en Lettres et sciences humaines où ils sont sous-représentés, 36,9% en Sciences et 39% en sciences économiques où ils sont, au contraire, sur-représentés, la représentation statistique de cette catégorie sociale dans l’ensemble de l’enseignement supérieur étant aujourd’hui de 32,3%. A l’inverse, les enfants d’ouvriers et d’employés représentent respectivement 30,1% et 23,6% des effectifs S.T.S., 19,6% et 18,3% des effectifs I.U.T., 19,1% et 17,2% des effectifs de Lettres et sciences humaines59, contre seulement 11,1% et 10,3% des effectifs C.P.G.E., et 10,1% et 11,4% seulement des effectifs de médecine.

Les études courtes et techniques (IUT, STS), relativement peu prestigieuses mais bien encadrées et professionnalisantes, qui offrent aux étudiants peu sûrs de leur volonté et de leurs capacités scolaires le moyen d’échapper à l’anomie et à l’anonymat universitaires des premiers cycles, sont celles dont la part d’étudiants issus des milieux “populaires” est la plus conséquente.

A l’inverse, plus les études sont sélectives et prestigieuses, plus la part des étudiants issus des couches sociales dominantes y est importante. Enfin, et s’agissant des secteurs universitaires sans numerus clausus, les filières Lettres et sciences humaines, dont les diplômes sont difficilement négociables sur le marché du travail et en perte relative de légitimité (notamment par rapport aux diplômes à caractère scientifique), se distinguent assez nettement des Sciences et du Droit/Sciences économiques où les étudiants issus des cadres et professions intellectuelles supérieures sont assez sensiblement sur-représentés.

Notes
55.

« Malgré la création de nouveaux types d’étudiants dans l’effort d’expansion qui a été réalisé, les facultés assurent encore la scolarisation de plus des trois-quarts d’entre eux. En bref, sur l’effectif total d’étudiants français en (169) 1993, 71% fréquentent les universités (dont 4% les IUT), 12% les Sections de Techniciens Supérieurs, 4% les Classes préparatoires, 3% les Ecoles d’ingénieurs et 3% les Ecoles de commerce, 1% les Ecoles normales, le reste se répartissant dans de petites formations spécifiques. Vingt ans plus tôt, les universités représentaient 83% des effectifs étudiants (...) », in ERLICH Valérie, Les Étudiants, un groupe social..., Opus-cité, p.168.

56.

Aujourd’hui, les littéraires représentent 38% de la population universitaire comme l’indique ERLICH Valérie, Les Étudiants, un groupe social..., Opus-cité, p.171.

57.

GRIGNON Claude, GRUEL Louis, BENSOUSSAN Bernard, Les Conditions de vie des étudiants, Opus-cité, pp.12-14.

58.

Avec une mention spéciale pour les classes préparatoires littéraires qui, avec 63,8% de leurs étudiants issus de la catégories cadres et professions intellectuelles supérieures; se situent loin devant les classes préparatoires scientifiques qui recrutent leurs étudiants dans cette catégorie à hauteur de 44,3%. GRIGNON Claude, GRUEL Louis, BENSOUSSAN Bernard, Les Conditions de vie des étudiants, Opus-cité.

59.

Ils représentent encore 18,8% et 19,9% des effectifs de sciences humaines.