I.C. Répartition des étudiants selon l’origine scolaire

Si l’on considère la répartition des étudiants dans les différents secteurs de l’enseignement supérieur selon le type d’études secondaires suivies, celle-ci varie fortement en fonction non seulement de la nature du capital scolaire secondaire (plutôt scientifique, plutôt littéraire, plutôt technique) mais également du prestige de ce capital (série prestigieuse, mention, etc.).

D’un côté et pour simplifier, on trouve les filières à dominante scientifique qui recrutent, pour l’essentiel, leurs étudiants parmi les bacheliers scientifiques C et DD’, et, à un moindre niveau, parmi les bacheliers techniques E et F. C’est le cas, par exemple, des classes préparatoires scientifiques dont les étudiants viennent pour 69,7% d’un baccalauréat C (et 14% et 13,3% respectivement d’un baccalauréat E et F), des Sciences avec 46,9% de baccalauréats C et 38,5% de baccalauréat DD’, ou encore de Médecine avec 50,8% de ses étudiants détenteurs d’un baccalauréat DD’ et 39,4% d’un baccalauréat C.

Tableau 2. Type de baccalauréat et types d’études supérieures
A B C DD’ E F G Pro Etranger Equivalence
CPGE Litt. 45,6 18,7 30,2 4,6 0,0 0,0 0,4 0,0 0,5 0,0
CPGE scient. 0,4 0,0 69,7 2,3 14,0 13,3 0,2 0,0 0,2 0,0
Lettres 59,8 13,9 4,0 4,8 0,0 1,0 4,7 0,4 6,6 4,7
Sc. Hum. 34,3 23,1 7,0 13,1 0,4 4,2 8,8 1,6 2,7 4,8
Droit/Sc. po. 25,9 39,4 6,8 8,2 0,2 0,7 10,2 0,9 2,7 4,9
Sc. écoq. 4,1 40,3 22,0 23,6 0,4 0,6 6,3 0,8 1,2 0,6
Sciences 0,6 0,5 46,9 38,5 4,1 5,2 0,3 0,3 3,3 0,3
Médecine 1,4 1,3 39,4 50,8 0,1 1,8 0,3 0,1 4,4 0,4

GRIGNON Claude et al., Les Conditions de vie des étudiants, Paris, La Documentation française, 1996, pp.26-27.

De l’autre côté, les filières à dominante littéraire recrutent la majorité de leurs étudiants dans les rangs des baccalauréats littéraires (au sens large) A et B. C’est le cas des filières Lettres, dont les étudiants viennent pour 59,8% d’un baccalauréat A et de 13,9% d’un baccalauréat B, des Sciences humaines avec respectivement 34,3% et 23,1% de baccalauréats A et B même si, il est vrai, la disparité dans le recrutement scolaire y est plus importante qu’en Lettres —, du Droit avec respectivement 25,9% et 39,4% de baccalauréats A et B.

C’est encore le cas des CPGE littéraires avec 45,6% et 18,7% de baccalauréats A et B, mais dont la particularité est toutefois d’accueillir en grand nombre des élèves issus d’un baccalauréat C (30,2%), sans doute à la fois parce que de cette série sont issus les élèves scolairement les plus performants et les plus sélectionnés (voie royale du secondaire) et que, par ailleurs, le passage des sections scientifiques aux sections littéraires restent scolairement plus accessibles que le mouvement inverse (des lettres aux sections scientifiques ou techniques)60.

C’est sans doute pour une part ces mêmes raisons qui expliquent que les filières littéraires tendent à composer des publics à l’origine scolaire globalement moins homogène que les filières scientifiques qui recrutent la quasi totalité de leurs effectifs parmi les baccalauréats C et DD’ et tendent à exclure, sauf exception, les baccalauréats à caractère littéraire. S’il y a bien une forte corrélation entre la section suivie dans le secondaire et l’orientation dans le supérieur, celle-ci semble toutefois plus marquée pour les bacheliers littéraires (A et B) que pour les bacheliers scientifiques, moins limités dans leur choix.

Alors que l’obtention d’un baccalauréat à caractère littéraire exclue pratiquement l’orientation dans un cursus de type scientifique ou technique, un nombre non négligeable d’étudiants de formation secondaire scientifique s’orientent vers les sections littéraires du supérieur, sans doute parce que ces dernières exigent des compétences supposées moins spécifiques et techniques que les filières scientifiques, c’est-à-dire censées plus générales et généralement partagées61.

Ajoutons que ce sont les filières là encore les plus sélectives qui accueillent dans leur rang le plus grand nombre d’étudiants détenteurs d’un baccalauréat avec mention. On peut de ce point de vue distinguer entre, d’une part, les classes préparatoires où les détenteurs d’un baccalauréat avec mention sont largement sur-représentés (¾ des effectifs), et les UFR où leur nombre est, toutes choses étant égales par ailleurs, bien moindre ; et d’autre part, parmi les UFR elles-mêmes, entre les filières les plus sélectives comme la médecine, qui ne compte pas moins de 41,8% étudiants détenteurs d’un baccalauréat avec mention, et les disciplines parmi les moins “légitimes” et les moins sélectives au nombre desquelles, par exemple, on trouve les Sciences humaines avec seulement moins d’un quart des étudiants détenteurs d’un baccalauréat avec mention.

Notes
60.

Il faut ajouter que le recrutement scolaire des STS et des IUT varie sensiblement selon que l’on s’intéresse aux sections de l’industrie ou du commerce. Les IUT se caractérisent, si on les compare aux STS, par un recrutement scolaire non seulement plus diversifié mais également plus prestigieux. La grande majorité des élèves de STS proviennent des séries F (pour les sections industries) et des séries G (pour les sections tertiaires) alors que les IUT (sections de l’industrie) recrutent dans une large mesure leurs effectifs parmi les baccalauréats C et DD’ de même qu’en des proportions importantes parmi les baccalauréats E et F, ou, pour les sections commerce, parmi les baccalauréats B et G, de même que dans de fortes proportions parmi les C et DD’, GRIGNON Claude, GRUEL Louis, BENSOUSSAN Bernard, Les Conditions de vie des étudiants, Opus-cité, p.26.

61.

« Si les bacheliers A et B choisissent en général des disciplines non scientifiques, ceux de C, D ou E des disciplines scientifiques, et ceux de F, G ou H des formations techniques, il semble que, depuis le début des années 1990, cette préorientation dès l’enseignement secondaire affecte surtout les bacheliers littéraires qui doivent renoncer aux études médicales ou pharmaceutiques et beaucoup moins les autres bacheliers », ERLICH Valérie, Les Étudiants, un groupe social..., Opus-cité, p.199.