Soucieux de leur avenir, nombreux sont les étudiants portés à inventer, parfois en les bricolant, des solutions d’avenir (scolaires et/ou professionnelles) plus ou moins réalistes et optimistes, que leur orientation présente ne profile guère. A maintes égards, ces étudiants ont affaire à une forte contradiction. Il sont entrés dans le supérieur avec l’espoir de s’armer pour affronter le marché du travail dans les meilleures conditions possibles. Ils réalisent pourtant que leurs études ne renvoient à aucun contexte professionnel précis, si l’on excepte le métier d’enseignant-chercheur. Tout se passe comme si ces étudiants étaient progressivement conduits, au cours de leur cursus, à s’inventer tant bien que mal un avenir par des voies plus ou moins détournées et par un ensemble d’ajustements successifs aux contraintes d’avenir plus ou moins imprévues de leur situation d’études présente.
Celle-ci ne réunissant pas les conditions favorables pour se positionner sur le marché de l’emploi, il convient d’imaginer pour son propre salut professionnel d’autres solutions, d’autres ressorts, scolaires ou extra-académiques, réalistes ou fantaisistes selon les cas. Ainsi en va-t-il, par exemple, de ces étudiants qui misent explicitement, autant sinon davantage que sur leurs études, sur l’exercice présent d’une activité extra-scolaire, salariée ou non, dans l’espoir de se positionner progressivement sur le marché du travail (« je sais pas trop exactement pour l’instant, c’est un peu vague, j’ai des projets mais, de toute façon je dois faire l’armée, je vais faire l’objection de conscience déjà pour acquérir une petite expérience professionnelle 92 »). De même en est-il de ces étudiantes qui placent leurs espoirs professionnels dans le concours des IUFM, non pas toujours dès l’abord à l’entrée dans l’enseignement supérieur mais parfois progressivement. Ou encore ceux qui, largement désengagés de leurs études, flairent le “bon coup” ou le tour de “passe-passe” qui leur permettrait, le moment venu, de se sortir d’affaire.
A l’étude, on s’aperçoit que les manières dont se pose la question de l’avenir sont en sociologie bien davantage qu’en médecine fortement dépendantes des situations personnelles des étudiants. L’explication réside pour une bonne part dans le fait que, dans ce contexte d’études et contrairement aux études médicales, l’avenir n’est pas tout entier résolu dans le présent de la formation. Chacun y va ainsi de sa propre expérience, de ses relations, ou des opportunités éventuelles du moment, pour définir d’éventuelles perspectives...
Dans un contexte d’études qui ne prépare pas ou mal au marché du travail, toutes les occasions sont bonnes pour rechercher une expérience professionnelle. On essaie, faute de mieux, de mettre progressivement un pied dans le monde professionnel, d’y pénétrer progressivement, de se faire un CV par des voies détournées et d’acquérir une expérience professionnelle faute d’avoir des études à haute valeur marchande sur le marché du travail.