Le Guide de l’Etudiant de la faculté d’Anthropologie et Sociologie de l’Université Lumière Lyon 2 1994-1995 fait clairement cas de cette catégorie d’étudiants : « Les enseignements du D.E.U.G. de Sociologie s’adressent aussi bien aux étudiants qui envisagent de poursuivre leur formation dans la discipline en deuxième cycle qu’à ceux qui, après avoir obtenu le D.E.U.G., se dirigeront vers une formation professionnelle »93. Et parmi les objectifs officiels de la Licence de Sociologie, on trouve celui de « l’accès à la première année de l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (I.U.F.M.), qui prépare aux carrières de l’enseignement »94.
Pour l’essentiel de sexe féminin, ces étudiantes se caractérisent et se différencient de leurs homologues sociologues tout à la fois par un très faible engouement pour leur matière d’études qui, dans la plupart des cas, n’a constitué qu’un choix par défaut, par le fait de souhaiter arrêter la sociologie en licence, par la définition d’un projet scolaire et professionnel extra-disciplinaire précis, et par la fréquence de leurs investissements au sein d’activités extra-académiques.
Trois modalités d’orientation dans la discipline sont ici globalement repérables qui font du choix de la sociologie une alternative purement négative. Plusieurs étudiantes avaient une préférence pour la psychologie mais s’en sont vu refuser l’accès. D’autres n’y sont venues que par le détour de réorientations. Enfin, on trouve des étudiantes pour qui la sociologie semblent avoir constitué l’orientation la moins déplaisante possible.
Dans tous les cas de figure, les études de sociologie n’apparaissent jamais sous le jour d’une prédilection. Pour ces étudiantes, il ne s’agit pas de persévérer dans cette voie en cherchant à poursuivre leurs études en maîtrise ou en troisième cycle, mais bien plutôt de viser un niveau donné de certification, et, en l’occurrence, la licence. Celle-ci doit leur permettre de se réorienter en direction d’une formation professionnelle, telle que les I.U.F.M., les écoles d’éducateurs ou les écoles d’assistantes sociales, et, plus généralement, de travailleurs sociaux. Ce n’est pas leur avenir dans la discipline qui est en jeu. Mais bien plutôt le succès de leur réorientation qui passe, préalablement, par l’obtention de la licence95.
En entrant à l’université au sortir de leur scolarité secondaire, ces étudiantes attendent de leurs études une qualification professionnellement reconnue, qu’elles leur donnent un métier et soient susceptibles d’offrir les nécessaires garanties sur l’avenir. De ce point de vue, les études de sociologie ne présentent guère, sur le futur, les assurances recherchées. Aussi est-ce parfois dans le désarroi que l’on suit des études qui, en l’état, ne permettent pas de savoir de quoi demain sera fait. Le passage à l’Université est alors fréquemment vécu comme une expérience négative et déroutante dont il convient de s’extirper au plus vite.
Notons à cet égard que si quelques une de ces étudiantes sont entrées en faculté avec la ferme intention d’y décrocher une licence pour se réorienter dans une formation professionnelle, la majorité d’entre elles, au contraire, semblent s’être déterminées plus tardivement, en cours de cursus. Tout se passe alors comme si ces étudiantes, face à la ténuité des perspectives professionnelles offertes par des études pour lesquelles elles ne voient « pas d’aboutissement », cherchaient désespérément à rebondir, par le biais de concours, en convertissant le plus fructueusement possible un capital scolaire professionnellement non qualifiant. Aussi n’est-il pas rare de voir ces étudiantes, afin de diversifier leurs chances, envisager plusieurs reconversions possibles y compris dans le cadre de formations accessibles sans la licence.
Ainsi en va-t-il, par exemple, de cette étudiante qui, désarçonnée par le peu de solutions professionnelles qui s’offrent à elle, se dit prête à perdre les années d’études déjà effectuées pour « repartir à zéro » si par malheur, précisément, elle ne parvenait pas à les convertir utilement. Sa situation scolaire présente, en l’absence de débouchés clairement identifiables, génère chez elle toutes sortes d’inquiétudes. Celles notamment de n’avoir pas d’« intitulé », de ne pouvoir non seulement se désigner comme, par exemple, future institutrice ou future orthophoniste, mais également et peut-être surtout, de ne pouvoir désigner l’avenir.
‘« M.M. : Vous visez quoi comme niveau de diplôme, vous avez envie d'aller jusqu'où ?Ces étudiants effectuent leur année de formation en sachant déjà qu’ils se réorienteront prochainement. Envisageant leur avenir proche hors discipline, c’est avant tout le diplôme qui constitue ici le point de mire des différentes pratiques d’apprentissage. On suit ses études sérieusement, assidûment, mais sans déborder d’enthousiasme. On fait son métier d’étudiant sans s’y oublier totalement.
Les études ne sont pas ici synonyme de renoncements. Ces étudiants développent souvent de multiples centres d’intérêts. Les études ne sont pas tout. Aussi est-il fréquent de les trouver investis dans d’autres domaines d’activité, attachés à d’autres projets, emplois d’appoints, pratiques sportives, entrée en couple, etc.
Guide de l’étudiant 1994-1995, Faculté d’Anthropologie et de sociologie, Université Lumière Lyon 2, p.35.
Guide de l’étudiant 1994-1995, Opus-cité, p.45.
Si l’obtention de la licence constitue bien ce préalable nécessaire pour la quasi totalité des étudiantes concernées ici, il convient malgré tout de préciser que certaines envisagent de postuler à des formations accessibles avec un simple D.E.U.G.