III.A. Des programmes d’études nationaux
L’une des particularités de la filière médicale si toutefois on la compare aux études de sociologie réside dans l’existence de programmes nationaux détaillés, établis pour l’ensemble du cursus et s’appliquant à l’ensemble du territoire français. Ces programmes réglementent les ensembles disciplinaires et, plus précisément encore, les orientations thématiques et les contenus sur lesquels doivent obligatoirement porter les différents enseignements aux différents niveaux du cursus. Les marges de manoeuvre ainsi laissées aux différentes UFR locales dans la définition des contenus d’apprentissage sont clairement encadrées. Elles ne sont pas inexistantes mais se muent dans des cadres législatifs extrêmement précis.
‘« Chaque doyen ayant la maîtrise de sa pédagogie, en particulier au niveau du premier cycle où c’est très net depuis la dernière réforme. Les doyens, qui sont quand même les chefs spirituels de chaque faculté, décident d’une orientation pédagogique à l’intérieur même de leur faculté, tout en tenant compte évidemment des directives ministérielles, des textes. Je vous donne pour exemple la réforme du premier cycle qui a été devancée d’un an par la faculté Lyon Sud par rapport aux trois autres facultés : Lyon Nord, Alexis Carel, et Lyon Grange Blanche. Nous nous entrons maintenant dans cette réforme depuis l’an dernier. Mais chaque doyen, à l’intérieur même de sa composante, organise ses commissions de pédagogie, donne ses orientations, définit les objectifs, et partant de là les enseignements se font... Ce qui fait que lorsqu’il y a un changement de doyen il peut y avoir aussi changement d’orientations et d’objectifs. Mais c’est en accord avec les conseils toujours (Alors concrètement qu’est-ce qui change, est-ce des choses secondaires, des choses qui sont principales ?) Non, par exemple, la faculté Alexis Carel n’a pas cru devoir conserver dans son enseignements de première année du premier cycle l’enseignement de l’anatomie. Elle ne l’enseigne qu’à partir de la deuxième année. Donc ça c’est quand même un critère important pour le choix des étudiants qui s’inscrivent pour la première fois en première année, parce que les étudiants qui vont à la faculté Alexis Carel ne peuvent pas poursuivre éventuellement ou présenter le concours d’entrée à l’école de kinésithérapie de Lyon. Donc c’est une différence assez importante. Mais ça a été un choix de la faculté Alexis Carel de ne pas maintenir l’anatomie en première année. C’est vraiment, après maintes discussions, les groupes de travail de pédagogie qui ont décidé ceci. Alors que les trois autres facultés l’ont maintenu. Donc ça c’est quand même assez fondamental l’anatomie qui n’existe plus en première année. A Lyon Nord nous l’avons conservée. Nous pensons la maintenir malgré les difficultés de mise en place et les problèmes inhérents aux frais. Les enseignements dirigés sont vraiment très coûteux et nous n’avons aucun moyen supplémentaire pour faire ces enseignements dirigés. Donc je pense que c’est peut-être un volant de choix : c’est peut-être ce qui a fait pencher la balance pour Alexis Carel » (La Directrice administrative de la Faculté de médecine Lyon Nord).’
Pour preuve la grande précision des directives officielles fixant les programmes des enseignements pour les années d’études qui nous intéressent plus particulièrement ici. Au caractère détaillé des prescriptions ainsi édictées qui déjà définissent un ensemble de contenus incompressibles, s’ajoute l’immense étendue des domaines et des questions mis au programme d’enseignements qui donne une juste idée de l’importance des corpus que les apprentis-médecins doivent s’approprier au long de leur formation.
L’article 8 de l’arrêté du 18 mars 1992 détermine les matières qui doivent être obligatoirement enseignées en deuxième et troisième année, et précise ainsi que :
‘«
Art. 8 - L'enseignement du PCEM et de la 1ère année du DCEM porte obligatoirement sur les disciplines ou ensembles disciplinaires suivants :
- la physique, la biophysique et le traitement de l'image,
- la chimie, la biochimie, la biologie du développement et de la reproduction,
- l'anatomie, l'embryologie, la biologie du développement et de la reproduction,
- la cytologie, l'histologie et l'anatomie pathologique,
- la bactériologie, la virologie et la parasitologie,
- l'hématologie, l'immunologie et l'oncologie fondamentales,
- la génétique et les biotechnologies,
- la physiologie et la nutrition,
- la pharmacologie et les grandes classes de médicaments,
- l'épidémiologie et les biostatistiques,
- la séméiologie clinique, biologique et la séméiologie des techniques d'imagerie médicales,
- les techniques de premiers secours,
- la démographie, l'économie de la santé et l'organisation des systèmes de santé.
L'enseignement doit également porter sur les langues étrangères, l'épistémologie, la psychologie, l'éthique médicale et la déontologie »
329.’
Le programme détaillé du DCEM1 présenté par le Guide Théraplix de la Faculté Grange Blanche est le suivant :
‘« Anatomie pathologique (28 heures) - coeff. 2
* Introduction, moyens de l'anatomie pathologique
* Lésions élémentaires de la cellule
* Surcharges et infiltrations : lipides, glucides, protides
* Pathologie des minéraux, pathologie des substances intercellulaires, pathologie vasculaire
* Les moyens de défense : généralités sur l'inflammation
* Inflammation aiguë, inflammations granulomateuses et spécifiques
* Déficits immunitaires, hypersensibilité et allergie
* Inflammation virale
* Processus tumoraux : définition générale, bénignité et malignité, classification des tumeurs, oncogenèse, étiopathogénie, immunologie des processus tumoraux, états précancéreux, la cellule cancéreuse, procédés cytopathologiques et histopathologiques et diagnostic des tumeurs
* La phase locale du cancer et le stroma réaction
* La dissémination cancéreuse
* Tumeurs épithéliales, tumeurs conjonctives, évolution générale comparée des carcinomes et des sarcomes
* Prolifération des tissus hémolymphopoïétiques, tumeurs du système nerveux et du système mélanogénétique, dysembryogenèse et tumeurs dysembryoplasiques
Bactériologie, virologie (48 heures) - coeff. 2
* Bactériologie générale et systématique
* Virologie générale et systématique
* Questions de synthèse : conduite des diagnostics
* Questions d'examen : exemples de corrigés
Enseignements pratiques (22 heures) : 10 séances de 2 heures + 1 séance de révision
* Flores bactériennes ; effets du lavage des mains
* Staphylocoques
* Streptocoques, pneumocoque, ASLO
* Bacilles gram négatifs des infections hospitalières
* Diagnostic sérologique d'infections bactériennes
* Agents bactériens et viraux des gastroentérites
* Infections bactériennes urinaires et génitales
* A propos des bactéries ou virus à l'origine de vaccins
* Virus des infections congénitales, opportunistes et de l'immunodéficience acquise
* Virus des infections respiratoires
Génétique médicale (14 heures) - coeff. 1
* Techniques d'étude des chromosomes humaines, caryotype humain normal
* Généralités sur les anomalies chromosomiques, la pathologie chromosomique, rappels de génétique fondamentale et moléculaire
* Conséquences pathologiques des mutations géniques, classifications des génopathies
* Les différents modes de l'hérédité monofactorielle, les malformations et hérédité des caractères multifactoriels
* Génétique des populations, conseil génétique et diagnostic prénatal
Hématologie biologique (32 heures de CM et 12 heures TD) - coeff. 1.5
Hématologie cellulaire (16 heures de cours - 6 heures de ED)
Hémostase (8h de cours et 2 heures de TD)
Immunohématologie (8h de cours et 4h de TD)
Immunologie générale (30h - assiduité obligatoire) - coeff. 1
* Les étudiants doivent disposer du nouvel ouvrage d'enseignement ASSIM (...). L'enseignement comportera 15 heures d'explications illustrées de diapositives sur la base de l'ouvrage et 15 heures d'enseignement interactif (TD) : résolution de problèmes, cas cliniques, entraînement à la préparation de l'internat.
* Le programme présente le système immunitaire dans les situations normales et pathologiques, dans ses aspects moléculaires, cellulaires, physiologiques, et dans le contexte des écosystèmes hôtes-agents infectieux. Les mécanismes d'adaptation et d'évolution moléculaire servent de fil conducteur à l'enseignement qui apporte les bases indispensables à la compréhension de la pathologie infectieuse, tumorale, inflammatoire et auto-immune et des thérapeutiques immunologiques. Cet enseignement nécessite une révision des notions de génétique, biochimie, biologie cellulaire, anatomie et microbiologie enseignées en 1er cycle et il apporte une ouverture indispensable à la compréhension de la plupart des notions de pathologie enseignées dans le 2ème cycle.
Maladies parasitaires (16 heures) - coeff. 1
* Relations hôte-parasite, classification
* Oxyurose, ascaridiose, trichocéphalose, trichinose
* Anguillulose, ankylostomose, filarioses, schistosomoses
* Distomatoses, taeniasis, hydatidose, E. alvéolaire, cysticercose
* Protozooses intestinales, trichomonases, Leishmanioses
* Trypanosomiases, paludisme, toxoplasmose
TP (11 heures)
* Idem le cours + mycologie : levures et moisissures, dermatophytes
Pharmacologie (36 heures) - coeff. 2
* Médicaments cardio-vasculaires
* Médicaments de la coagulation et de l'hémostase
* Médicaments rénaux, respiratoires et digestifs
* Médicaments nerveux centraux, endocriniens et métaboliques
* Modificateurs des processus anatomopathologiques
* Chimiothérapie antibactérienne
Séméiologie biologique - coeff. 1
Biochimie clinique (24h)
* Introduction, méthodologie
* Analyse des données, indications, illustrations
Biophysique (15h)
* Imagerie en médecine nucléaire
* Explorations thyroïdiennes, ostéoarticulaires, rénales
* Explorations pulmonaires, cérébrales, vasculaires et cardiaques
* Immunoscintigraphie, radiothérapie interne
* Irradiation en médecine nucléaire
Séméiologie chirurgicale - coeff. 2
Le programme sera communiqué à la rentrée
Séméiologie médicale - initiation à la médecine (52h) - coeff. 3
1. Appareil digestif
* Tube digestif : généralités, explorations complémentaires, les cancers du tube digestif, l'ulcère gastro-duodénal, les diarrhées, le syndrome rectosigmoïdien
* Pancréas : méthodes d'exploration et principaux symptômes
* Foie et voies biliaires : explorations, classification des ictères, hépatite aiguë, cirrhose
* Ascite et hémorragies digestives
2. Appareil endocrinien : thyroïde et surrénales : généralités, méthodes d'exploration, syndromes d'hyper et d'hypofonctionnement, syndromes hypophysaires
3. Maladies infectieuses : généralités, septicémies, angines, zona, SIDA
4. Maladies neurologiques : généralités, conduite de l'examen et explorations complémentaires
* Syndrome moteur central : hémiplégie et paraplégie, atteintes nerveuses périphériques : polynévrite, épilepsie, syndromes méningés, hypertension intracrânienne
* Séméiologie psychiatrique élémentaire
5. Maladies du sang : généralités, principaux examens complémentaires, anémies, syndromes ganglionnaires, leucémies, syndromes hémorragiques
Séméiologie radiologique (18h) - coeff. 1
* Anatomie radiologique normale et séméiologie élémentaire de l'appareil respiratoire et de l'appareil cardio-vasculaire
* Anatomie radiologique de l'appareil locomoteur
* La radiologie pulmonaire : les grands syndromes
* Abdomen sans préparation : images de tonalités calcique, hydrique et gazeuse
* Imagerie cérébrale en coupes (scanner, IRM) : bases d'interprétation
Travaux pratiques, enseignements dirigés
Anatomie pathologique (1er semestre = 12 heures)
Bactériologie (22 heures)
Hématologie (non indiqué)
Parasitologie (1er semestre, 24h)
Pharmacologie (6h) »
330
’
Rien de tel n’existe en faculté de sociologie, d’autant que la réglementation des programmes ne se limitent pas ici, tant s’en faut, à la prescription des ensembles disciplinaires devant obligatoirement composer les enseignements. Elle fixe par le détail et pour chaque année d’études l’ensemble des questions et problèmes, des points et des sous-points, qui doivent être abordés au cours de la formation de l’apprenti-médecin. A cet effet, une commission pédagogique se voit chargée de réviser régulièrement les modalités et les orientations des questions mises au programme dans l’objectif d’intégrer à l’enseignement les récents progrès de la connaissance scientifique et le résultat des dernières découvertes. A lire les textes officiels, bien peu de choses demeurent implicites, indéfinies, laissées au hasard, et à la seule initiative des UFR locales. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres facultés et notamment en faculté de sociologie, ce n’est pas aux UFR et aux enseignants de décider, en fonction de leurs propres orientations, du contenu et/ou des orientations des cours...
L’article 9 et 10 de l’arrêté du 18 mars 1992 en fixe les conditions :
‘«
Art. 9 - Les orientations thématiques de ces enseignements sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé, sur proposition de la commission pédagogique nationale des études médicales prévue à l’art. 10 du présent arrêté. Elles sont présentées par sections, intégrant le programme de plusieurs disciplines ».
«
Art. 10 - Il est institué une commission pédagogique nationale des études médicales chargée de donner son avis notamment sur l’élaboration et la révision régulière des programmes des enseignements prévues à l’art. 8 du présent arrêté (...) »
331.’
Est ainsi directement et explicitement énoncé ce qui doit être étudié et traité lors des différents cours : par exemple, les « équilibres acido-basiques : pKa d’un couple, pH de solutions, d’acides et de bases, pHi des solutions d’acides aminés, fonctionnement des systèmes tampons, en particulier du tampon phosphate intracellulaire et du tampon bicarbonate extracellulaire, cas typique d’un fonctionnement en système ouvert »332, entre autres choses, parmi ce qu’il faudra apprendre dans le domaine des bases physiques et chimiques des processus biologiques ; ou encore les « caractères généraux des tumeurs, critères de bénignité et de malignité, tumeurs bénignes épithéliales et conjonctives, le tissu cancéreux, la cellule cancéreuse et sa biologie, le stroma, la croissance tumorale, principes de classification histopathologique de cancers, facteurs histo-pronostiques, principaux types de carcinomes, de sarcomes, de tumeurs des séreuses, des tissus nerveux et mélanogéniques, placentaires et embryonnaires, des tissus hémo-lymphopoïétiques, apport de l’histologie et de la cytopathologie dans le diagnostic et le dépistage des cancers »333, pour ce qui concerne l’approche du processus tumoral...