IV.B.3. Cas cliniques et tableaux cliniques

Le cas clinique quant à lui et s’il fait bien intervenir l’esprit d’analyse suppose également une résolution, c’est-à-dire implique, tout comme le QCM par exemple bien que sous une forme différente, une solution : celle du diagnostic approprié. Le cas clinique repose ainsi sur la mise en oeuvre de raisonnements d’expertise médicale relativement codifiés et protocolarisés, c’est-à-dire d’abord sur la maîtrise d’une grammaire des signes, par lesquels l’observation clinique produit et construit, par inclusion et exclusion d’hypothèses combinatoires fondées sur une série de tableaux cliniques, un ensemble d’indices pertinents pour l’établissement du diagnostic.

Tableau de tableaux cliniques : Schéma des maladies rhumatismales
Tableau de tableaux cliniques : Schéma des maladies rhumatismales Exemple emprunté à CICOUREL Aaron V., « Raisonnement et diagnostic : le rôle du discours et de la compréhension clinique en médecine », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1985/60, pp.84-85.

Description clinique de la polyarthrite rhumatoïde (PR)

Arthrose (A)

Variantes rhumatoïdes

Lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD)

Arthrite goutteuse

Une observation clinique répond en effet à des critères bien définis d’observation susceptibles de produire des indices permettant au raisonnement médical de formuler des hypothèses, d’en exclure d’autres, afin de parvenir au diagnostic de l’éventuelle maladie. L’identification de ces indices et de leur signification combinatoire implique qu’ils puissent être (re)connus, donc isolés, parmi d’autres configurations séméiologiques significatives et nécessite l’acquisition préalable de raisonnements et de savoirs codifiés. L’effort est porté vers la recherche de la solution que l’on présuppose immanente à l’exercice effectué (le cas clinique) et dont le dénouement réside dans le juste diagnostic. « Une telle réalisation suppose la reconnaissance par l’étudiant, derrière l’exercice particulier, d’un “modèle” ou d’un “patron” fourni par l’enseignant dans le cours et dans les moments d’entraînement au moyen de séries d’exercices qui constituent des variations autour du modèle. L’étudiant sait donc en pareil cas que chaque exercice (ou problème) a sa solution qu’il lui appartient de trouver. En revanche, le rapport au savoir et aux “exercices” est très différent dans les formations plus “littéraires” qui ne reposent pas (ou moins) sur l’acquisition de savoirs et de raisonnements codifiés »339.

Ces formes d’évaluation des connaissances médicales, en raison de leur forte systématicité et de leur caractère très ciblé, contribuent à définir clairement les objectifs de l’apprentissage, et du même coup, contribuent à limiter les degrés d’incertitude éventuellement présents dans le travail personnel effectué. Soumis et entraînés à ce type de sanctions institutionnelles dès les premiers moments de leur cursus, les étudiants médecins de troisième année en maîtrisent les tenants et les aboutissants. Ces derniers ont appris à régler leurs apprentissages sur les exigences précises de ce type de sanctions institutionnelles. Selon qu’il s’agit d’un QCM ou d’un QROC par exemple, apprendre ne requiert pas exactement les mêmes impératifs. Chaque étudiant médecin sait que, pour un QCM, il doit diriger et contrôler son travail d’assimilation en fonction des annales d’examen. Faire et refaire ces annales devient une impérieuse nécessité. C’est une étape connue, déterminée, du travail dans une série relativement codifiée, routinisée et systématique d’actes d’apprentissage : apprendre par coeur, matière après matière, en faisant des tours, chapitre après chapitre, paragraphe après paragraphe, en réécrivant, en récitant, en s’évaluant, etc. (confère infra).

‘« Je refais les annales surtout pour les QCM (imperceptiblement) des choses comme ça, puis pour savoir à peu près euh je regarde, j'aime bien regarder, faire un tour vite fait sur toute la matière mais sans chercher vraiment à l'apprendre, euh regarder les annales une première fois pour savoir dans quelle direction il faut cibler euh ce qu’il y a à apprendre, et après refaire un tour comme il faut l'apprendre (le cours) et refaire des annales encore après pour voir enfin à quel niveau j'en suis, mais ça c'est juste pour préparer l'examen, il y a certaines matières où je ne fais que ça, d’autres matières où je me dis ça faut le savoir euh je bosse différemment j'apprends, et puis plus on approche de l'examen et plus j'en fais... ».’
Notes
338.

Exemple emprunté à CICOUREL Aaron V., « Raisonnement et diagnostic : le rôle du discours et de la compréhension clinique en médecine », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1985/60, pp.84-85.

339.

LAHIRE Bernard (avec la collaboration de MILLET Mathias et PARDELL Everest), Les Manières d’étudier, Paris, La Documentation française, Cahiers de l’O.V.E. (2), 1997, p.50, note 1.