III.D.2. La pédagogie, une affaire du primaire

En outre, les conditions même de recrutement des enseignants sur la base de leurs travaux et de la qualité de leurs productions intellectuelles qui, historiquement, à partir du XIXème siècle, conduisent à une séparation nette entre les fonctions et le déroulement des carrières d’enseignement des facultés académiques et du système secondaire auquel elles restaient jusqu’alors subordonnées (les carrières des facultés académiques correspondant désormais aux carrières hautes de l’enseignement), contribuent à affranchir de toutes préoccupations pédagogiques des enseignants reconnus avant tout et d’abord pour l’“originalité” de leurs travaux, pour leur contribution au développement d’un savoir, c’est-à-dire pour leur activité intellectuelle plus que pour la qualité de leur activité d’enseignement, laquelle leur est précisément accessible en tant que professionnel d’un savoir... « Penseur original”, “mana du verbe”, et “virtuose” de la connaissance selon l’image qu’en donne l’archétype dominant, l’intellectuel, en son style inégalable, ne saurait concéder ou sacrifier à la pédagogie, activité “primaire” et tâche subalterne, sans renoncer du même coup à tout ce qui, à ses yeux, forge sa valeur irremplaçable373.

Notes
373.

PASSERON Jean-Claude, Le Raisonnement sociologique. L’espace non-poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991, p.348.