IV.A. Le déséquilibre entre le temps disponible pour le travail personnel et le volume de travail à réaliser : un absentéisme « stratégique »

Ces conduites d’absentéisme, habituelles et communes au plus grand nombre, se comprennent fort bien en effet lorsque l’on rappelle que le système des cours ronéotypés prend forme dans un contexte d’études qui associe à la fois un emploi du temps officiel relativement lourd si l’on englobe l’ensemble des domaines d’activités : heures de cours et heures de stages, et un important volume de travail personnel consacré, pour l’essentiel, à l’apprentissage minutieux de l’abondante matière professée.

Le temps disponible, non encadré par l’institution, pouvant être directement consacré à la réalisation du travail personnel est, dès lors qu’un étudiant assume l’ensemble de l’emploi du temps officiel, relativement peu abondant eu égard au volume de travail personnel à réaliser. Autrement dit, le rapport relativement déséquilibré entre d’une part le volume de travail personnel à effectuer et d’autre part le temps restant pour l’accomplir, de même que l’existence de cours ronéotypés, permettent, dans une très large mesure, de rendre compte de l’absentéisme régulier des étudiants médecins enquêtés.

L’absentéisme des étudiants médecins aux cours magistraux est ainsi une pratique collectivement organisée et institutionnellement tolérée. Son organisation, cependant, fait qu’il n’a pas le même sens qu’un absentéisme “non encadré”. Car en manquant les cours, les étudiants savent qu’ils disposeront d’un support de cours dactylographié, exhaustif et fiable. Nul n’est besoin de “rattraper” les cours, par exemple en empruntant les notes d’un camarade dont on peut toujours craindre qu’elles ne soient pas prises “correctement”.

Mais il y a plus. Car le système des cours ronéotypés offre ainsi, indéniablement, aux différents étudiants de médecine qui peuvent en conséquence manquer les cours sans dommage, la possibilité d’aménager peu ou prou leur emploi du temps en fonction d’une stratégie de travail plus ou moins élaborée et définie. Celle-ci peut certes varier d’un étudiant à l’autre. Et le principe de plaisir n’est pas non plus toujours absent dans les choix de suivre ou non les différents enseignements.

Mais il reste vrai que ces étudiants font preuve, plus fréquemment qu’ailleurs et en l’occurrence qu’en sociologie, d’un esprit de “calcul” dans les raisons qui président au choix de suivre certains cours magistraux ou, au contraire de ne pas les suivre, justifiant ou argumentant ainsi, le plus souvent pour des raisons scolaires, le fait d’assister ou non à tout ou partie des enseignements non obligatoires. L’existence de cours ronéotypés et de coefficients différentiels, etc., offre indéniablement aux étudiants médecins de troisième année un ensemble de conditions pédagogiques qui autorise voire favorise la mise en oeuvre de conduites plus ou moins stratégiques s’agissant notamment du suivi des cours.