IV.B. Libérer du temps pour le travail personnel

Si certains étudiants évoquent parfois, pour justifier leurs absences, des raisons qui relèvent davantage du principe de plaisir que du calcul (le manque d’envie, la fatigue), force est de constater que c’est le souci (socio-logique) de libérer du temps pour le travail personnel, de soulager son emploi du temps, d’économiser ses efforts, qui prédomine dans les discours étudiants. Pour l’immense majorité des étudiants médecins, ces manquements scolaires ne sont pas la conséquence, sauf exception, de contraintes hétéronomes à l’univers académique comme celles par exemple qui découleraient d’une activité salariée395 (ou encore de charges domestiques, d’une démobilisation scolaire...), mais bien au contraire la conséquence directe d’une surcharge de travail, c’est-à-dire de contraintes endogènes, purement scolaires : « si on veut travailler en dehors (...) on ne peut pas, c’est trop lourd, parce qu’on a cours de deux à six ».

Toute la difficulté consiste, en effet, pour ces étudiants, à tenir ensemble et sans risquer de faire chavirer le navire à plus ou moins long terme, le poids des stages hospitaliers effectués quatre matinées par semaine, celui des enseignements régulièrement répartis les après-midi de deux heures à six heures, celui enfin du travail d’assimilation de la matière professée.

Ainsi que nous l’explique l’un de nos interlocuteurs : « c’est de la folie, on est complètement coincé, on ne peut pas... assister à tous les cours donc heureusement on a un très très bon système qui nous permet justement de ne pas assister aux cours en ayant quand même des cours de qualité tapés à la machine ». L’absence régulière à tout ou partie des enseignements non obligatoires est ainsi, et compte tenu de la charge de leurs obligations scolaires, le palliatif tout trouvé qui permet à ces étudiants de surmonter, au moindre coût et à moindre mal, cette difficulté majeure pour eux.

Notes
395.

Certains étudiants médecins exercent effectivement, à côté de leurs occupations strictement universitaires, une activité salariée. Mais cette dernière, systématiquement en rapport avec l’univers médical et/ou universitaire, n’empiète généralement pas sur l’emploi du temps universitaire des étudiants qui trouvent ainsi en elle le moyen d’organiser leurs horaires de “travail professionnel” en fonction des obligations universitaires et non l’inverse... Sauf exception en effet, les étudiants médecins de notre échantillon qui exercent une activité salariée ne sont pas empêchés par celle-ci, à la fois en raison de son caractère généralement sporadique (emplois d’appoint, quelques heures par semaine, tous les quinze jours, voire par mois) et d’horaires peu ou prou aménagés (périodes scolaires, week-ends, soirs...). Les “emplois” occupés laissent systématiquement du temps libre pour les études. Seule une de nos interlocutrices invoque, au principe de ses absences, l’exercice d’une activité salariée dont les horaires sont parfois incompatibles avec les heures d’enseignement. Mais encore faut-il préciser que son activité d’aide opératoire n’est pas régulière, tant s’en faut, puisqu’il s’agit d’une activité de remplacement. En effectuant des remplacements au “pied levé”, il arrive en effet que cette étudiante ne puisse se rendre en cours. Cela n’a toutefois rien de systématique puisqu’il est des périodes de quinze jours à un mois durant lesquelles cette étudiante n’effectue aucun remplacement. Cette situation n’est donc toutefois pas à exclure. Mais tout concorde à laisser penser qu’elle reste somme toute de caractère exceptionnel, ce qui se comprend fort bien s’agissant d’une population fortement sélectionnée et globalement dotée socialement et économiquement. Il reste vrai cependant que l’exercice d’une activité salariée, notamment lorsque celle-ci, bien que compatible avec le suivi des cours, revêt un caractère relativement régulier et soutenu, en contribuant encore à surcharger les emplois du temps des étudiants concernés les incitent, plus que d’autres encore, à récupérer du temps pour le travail personnel sur les horaires de cours non obligatoires.