De même que, dans les conditions énoncées ci-dessus, manquer les cours ou certains d’entre eux peut devenir, pour certains étudiants médecins de troisième année, une véritable technique de travail et de gestion du temps, de même les dispositifs pédagogiques comme les polycopiés de cours ou les coefficients différentiels, qui déjà créent les conditions d’un rapport plus stratégique aux enseignements dispensés, contribuent-ils à changer les conditions de la présence des enseignés aux cours.
Et d’abord parce que ces dispositifs encouragent les étudiants qui souhaitent malgré tout suivre les enseignements à le faire non par routine, par obligation institutionnelle ou pratique, mais en fonction de l’intérêt qu’ils leur portent et/ou de leur importance parmi l’ensemble des enseignements dispensés. Autrement dit, lorsqu’ils suivent les cours non obligatoires, ces étudiants, qui pourraient tout aussi bien choisir de ne pas y assister sans avoir à en supporter les contreparties les plus patentes, sont-ils conduits à le faire plus réflexivement et rationnellement, en raison d’objectifs ou d’exigences explicites et précis.
Ensuite, et c’est lié, parce qu’à la différence des apprentis-médecins qui choisissent, en s’en remettant totalement aux cours ronéotypés, de ne suivre aucun enseignement pour privilégier le temps de travail personnel, l’assistance à tout ou partie des cours devient au contraire, pour les autres, une méthode de travail à part entière. Revendiquée comme telle, elle est ainsi présentée comme une première manière d’apprendre, de mémoriser et de se familiariser avec les contenus dispensés, qui facilite le travail ultérieur, plus systématique, d’incorporation réalisé cette fois-ci à partir des supports de cours (notes manuscrites et/ou cours ronéotypés) et qui, en tant que telle, justifie, précisément, pour ces étudiants, l’assiduité.
‘« Enquêté : je ne sais pas si c'est le fait de prendre des notes mais c'est le fait d'écouter le prof, d’être concentré euh de voir la logique ou le raisonnement qu'il a ou des trucs comme ça, ça aide bien, puis les anecdotes surtout je sais que c’est vraiment le truc euh pour plein de trucs j'essaie de trouver un moyen mnémotechnique euh donc je me raconte des histoire (en souriant) ou je ne sais pas ou j'imagine des trucs... Non le fait d'aller en cours ça aide vachement ça c'est sûr » {Garçon, 21 ans, Célibataire, Père : Maître de conférences en anglais ; Mère : Professeur d’anglais au lycée ; Aucune activité salariée ; habite seul un appartement en location}Assister à la totalité des cours non obligatoires ou à certains d’entre eux devient ainsi également, pour les étudiants qui ne perçoivent pas le système des cours ronéotypés comme un parfait substitut du cours lui-même 396, une technique de travail réflexive qui entre d’une façon ou d’une autre dans un schéma d’apprentissage explicite397. Dans cette optique, la présence aux enseignements non obligatoires n’est plus perçue comme une simple nécessité ou un simple manque à gagner mais bien au contraire comme un gain de temps et un surcroît d’efficacité puisqu’elle est censée faciliter le travail d’appropriation et de mémorisation qui, du même coup, s’en trouve moins long par la suite.
Certains étudiants expriment parfois une méfiance relative vis-à-vis du sérieux des cours ronéotypés et, dans le doute, préfèrent assister aux cours « importants » ; d’autres préfèrent apprendre leurs cours sur leurs notes manuscrites et choisissent ainsi d’utiliser les polycopiés de cours comme un complément à leurs notes personnelles ; d’autres encore estiment que prendre connaissance des contenus d’un cours directement par écrit, aussi bon et fidèle soit l’écrit en question, n’est pas un acte aussi efficace que celui qui consiste à suivre le cours directement auprès de l’enseignant ; d’autres enfin aiment reprendre leurs cours le jour même, le lendemain ou le surlendemain, lorsque les choses sont encore en mémoire, ce qui motive leur présence... Les cours ronéotypés ne sont pas disponibles immédiatement après les enseignements. Un délai de quinze jours est souvent nécessaire pour en disposer. Les étudiants doivent ainsi, dans le cas où ils ne se rendent pas aux cours en question, attendre avant de pouvoir en prendre connaissance. Se rendre en cours, au moins ceux que l’on jugent les plus importants, permet ainsi de ne pas avoir à supporter cette contrainte...
Ajoutons toutefois que, outre les cas précédemment cités, certains étudiants peuvent être contraints de suivre l’ensemble des enseignements pour des raisons purement financières qui ne leur permettent pas de profiter des avantages du système des cours ronéotypés. Bien que marginale ici puisqu’elle ne concerne qu’une seule étudiante de notre échantillon, cette situation méritait d’être mentionnée tant elle change les données du problème. Issue de milieux populaires, cette étudiante affirme ne pas avoir les moyens financiers d’acheter régulièrement les cours ronéotypés, ce qu’elle ferait sans doute dans le cas contraire. Pour elle, la question d’assister ou non aux différents enseignements ne se pose donc pas dans les mêmes termes. Si elle manque les cours, elle doit impérativement les récupérer ce qui, compte tenu de l’importance des obligations universitaires des étudiants médecins et du volume des contenus de cours, n’est pas une mince affaire. Si elle assiste aux différents enseignements, ce n’est pas d’abord en fonction de préférence quant aux manières de travailler (même si cette dimension est clairement présente dans ses propos), mais bien par nécessité. Dans ces conditions, cette étudiante est amenée à assumer l’ensemble de l’emploi du temps universitaire là où les autres peuvent aménager une partie de leurs horaires...