C’est ainsi que là où les étudiants médecins doivent impérativement se lever chaque matin pour assurer le suivi de leurs stages hospitaliers et cliniques et voient leurs journées ponctuées par un certain nombre d’obligations, les étudiants sociologues ont affaire, pour leur part, à des horaires disparates avec des journées qui commencent et se terminent à des heures variables, débutant à 10h00 voire même l’après midi, pour se terminer à 19h00 ou 20h00 sans en outre être toujours exemptes de temps morts, d’heures creuses, des journées avec des cours et d’autres sans cours qui n’impriment ni tempo, ni régularité, ni rythme à la pratique d’apprentissage, au temps des études, mais organise au contraire le temps de la pratique sur un faux rythme.
Dans ces conditions, et face à la relative dislocation du rythme des activités, l’organisation et l’occupation de son temps devient un problème majeure, à part entière, du travail universitaire, celles-ci n’étant pas résolues, extérieurement, par le temps institutionnel. Que faire de ses journées ? Comment les occuper ? Comment les organiser ? Comment pallier l’absence d’horaires fixes ? En sociologie plus qu’en médecine, « l’étudiant se trouve en effet dans la situation paradoxale, lors même qu’il sait devoir vouer son temps au travail, de ne savoir ni quel temps vouer à quel travail, ni même à quel travail vouer son temps »399.
En l’absence d’un ensemble de contraintes institutionnelles extérieures susceptibles de scander les apprentissages, d’imprimer un rythme à l’étude, de structurer les activités dans le temps, les journées et les semaines des étudiants sur des principes réguliers et constants, ces derniers éprouvent fréquemment, sauf ascétisme scolaire particulier généralement imputable à une projection sur long terme de son avenir dans la discipline d’études, de grosses difficultés à se mettre ou à rester au travail, à prendre un rythme et à tenir un tempo, ne serait-ce que pour se lever chaque matin et pour se coucher chaque soir.
Ceci s’avère d’ailleurs d’autant plus vrai que rien d’autre ne vient peu ou prou structurer de l’extérieur le temps quotidien des étudiants, une activité salariée, ou un père, une mère, un(e) concubin(e) qui travaillent et forcent ainsi le respect d’horaires, sans que l’on puisse en revanche discerner ici dans l’anomie du lever et du coucher de variations spécifiques selon les appartenances sociales.
‘« A midi c’est fixe parce que mon ami a tant de temps pour rentrer à midi donc c’est fixe... les heures de lever, non c’est pas fixe parce que parfois j’ai cours le matin, parfois je n’ai pas cours, donc il y a des matins où j’ai la flemme (sourire) » {Fille, 23 ans, sans activité salariée, vit en concubinage dans un appartement indépendant, concubin salarié, souhaite s’arrêter en licence}VERRET Michel, Le Temps des études, Lille, Université Lille III, 1975, Thèse de doctorat d’État, Université de Paris V, le 29 mai 1974, p.691.