II.A. Longueur des études et spécificités de la formation médicale

En effet, la première spécificité inhérente aux études médicales et susceptible de rendre compte des forts pourcentages d’étudiants investis dans une activité salariée durant l’année universitaire réside incontestablement dans leur longueur puisque ces dernières exigent, au minimum, huit années de formation et, pour certaines spécialisations, douze années d’études... L’ensemble des étudiants médecins étant ici, toutes années confondues, statistiquement comptabilisé, tout porte à croire que ce sont les “vieux” étudiants en médecine ou les “carabins” les plus avancés dans le cursus universitaire qui majoritairement viennent grossir les pourcentages de ceux qui dans ce contexte d’études exercent une activité salariée.

Et d’abord parce que l’on sait que plus les étudiants s’élèvent dans le cursus, plus ils avancent en âge, et plus ils ont de chances de décohabiter d’avec leurs parents, de vivre en couple, d’accéder à l’indépendance, et du même coup de subvenir à une partie au moins de leurs besoins financiers 413 . Ensuite, et plus fondamentalement, parce que ces étudiants sont progressivement amenés, au fil des ans et dans le cadre même de leur formation, à investir des activités dont le propre est d’être rémunérées (stages hospitaliers rémunérés à partir de la quatrième année d’études, puis internat), et qui, en tant que telles, s’intègrent pleinement au temps de l’étude.

Il est encore une autre spécificité qu’il convient de mentionner pour rendre compte du pourcentage élevé d’étudiants médecins déclarant une activité salariée en cours d’année universitaire. Celle liée aux nombreux emplois rémunérés qui, dès les toutes premières années d’études, leur sont accessibles et d’une certaine façon réservés en leur qualité d’apprentis-médecins. Ces emplois spécifiques qui ainsi fonctionnent, pour les étudiants concernés, comme autant de facilités et de portes d’accès en direction du travail salarié donnent à celui-ci une allure bien particulière puisqu’il s’inscrit généralement dans un étroit rapport avec la formation universitaire suivie et dans son prolongement. C’est ainsi que si les étudiants médecins de troisième année auprès desquels nous avons conduit nos entretiens ne sont guère moins nombreux que leurs homologues sociologues à exercer une activité rémunérée durant l’année universitaire, force est toutefois de constater que celle-ci varie significativement à la fois par la nature des emplois occupés et par son intensité.

Notes
413.

GRUEL Louis, « Les ressources des étudiants et leur évolution », in GRIGNON Claude, GRUEL Louis, BENSOUSSAN Bernard, Les Conditions de vie des étudiants, Paris, La Documentation française, Cahiers de l’O.V.E. (1), 1996, p.133. Cette remarque ne concerne évidemment pas les seuls étudiants médecins mais plus généralement la population étudiante en son ensemble. Mais il est clair que ces effets liés à la progression en âge prennent une importance toute particulière s’agissant des études médicales puisque compte tenu de la singularité de leur longueur, la proportion des étudiants “âgés” y est plus importante qu’ailleurs et ainsi les effets liés à la progression en âge plus perceptibles et accentués.