III.B. Du livre aux livres

La catégorie livre, en réalité, et à condition de ne pas être déshistoricisée, recouvre une multiplicité de variantes matérielles qui, parce que s’y définit un ensemble de contraintes matérielles et textuelles plus ou moins spécifiques, fonctionnent comme autant de protocoles de lecture différenciés, inscrits dans les imprimés. « Il faut donc associer la description serrée des pratiques à la prise en compte de la matérialité des supports »468. Dans la rubrique : « lire un livre » sont en réalité généralement fondus (et traités comme équivalents) des actes de lecture disparates et des supports différents. Or, la catégorie “livre” regroupe au moins virtuellement des supports fortement différenciés et avec eux des manières de lire différentes. Le livre, trop souvent, est traité comme un “universel” : “un livre = un livre”, “la déclaration d’un livre lu = une autre déclaration de livre lu”.

Pourtant, un livre ce peut-être tout à la fois un roman policier, un ouvrage de littérature classique, un ouvrage scientifique, un livre épais, un livre court, indexé, linéaire, découpé, etc., dont les différences emportent avec elles, virtuellement au moins, une série de contraintes de lecture différentes et en conséquence des espaces d’appropriation lexiques différenciés. Nous le verrons précisément s’agissant de nos deux populations étudiantes : les pratiques du livre se prêtent inégalement, dans ces deux contextes, à la déclaration spontanée, et un livre de médecine n’est pas égal à un livre de sociologie, pas plus que les lectures de textes médicaux ne recouvrent, en troisième année de médecine, les mêmes réalités sociocognitives que celles de textes sociologique, en licence de sociologie...

Notes
468.

Ibidem.