Chapitre 16. Les formes de la lecture universitaire en troisième année de médecine

I. Le primat des cours et des polycopiés

En troisième année de médecine, les notes de cours et/ou les ronéotypés, qu’il s’agisse de cours magistraux ou de TP, absorbent clairement l’essentiel de l’énergie consacrée aux apprentissages personnels et à la lecture. Outre le temps passé à suivre les différents enseignements universitaires, celui passé dans les stages hospitaliers, les apprentis-médecins de DCEM1 ont pour principale occupation universitaire personnelle la reprise et l’assimilation des lourds contenus qui leurs sont dispensés par les enseignants. Les cours centralisent toute la matière d’études théorique nécessaire à l’accomplissement des apprentissages. Ils constituent, pour les étudiants de médecine troisième année, le support d’apprentissage par excellence autour duquel le travail intellectuel s’organise. A la question : “que lisez-vous le plus souvent, des livres, des notes de cours...”, ces étudiants répondent sans ambages : « ce sont mes cours, c’est clair ».

N’entendons pas par là qu’ils soient la seule forme d’accès à la connaissance et qu’ils constituent les seules occasions de lire. Les apprentis-médecins, nous le verrons, ne manquent pas de recourir aux livres, tant s’en faut. Mais le support du cours est le point d’appui dans la périphérie duquel se définissent systématiquement ces recours, qui fait du livre un auxiliaire du travail intellectuel et de la connaissance. La lecture de livres est pour ainsi dire rivée sur la (re)lecture du cours qui la commande... Tout le reste, travail de documentation, recherche personnelle, lectures de livres ou revues, etc., n’est, en troisième année de médecine, qu’une activité accessoire et complémentaire.

Face à la variété des domaines de connaissances cliniques et fondamentales enseignés avec laquelle les apprentis-médecins doivent se familiariser, et à la “voluminosité” des connaissances accumulées dans chacun de ces différents domaines, les cours fonctionnent, en médecine, comme de véritables “catalyseurs” de la connaissance (du savoir et de l’activité apprenante) qui, en même temps qu’ils optimisent le nombre d’informations transmises, discernent parmi l’abondance des mots et des choses, sélectionnent parmi les faits, opèrent des tris, dictent les priorités, fixent les repères, délimitent et organisent le champ des investigations, pointent ce qu’il faut savoir à un moment donné sur une question donnée, nous l’avons déjà montré...

Les difficultés principales de l’apprentissage réside principalement dans la gestion et l’organisation progressive et méthodique de l’intense travail de mémorisation qu’il convient ainsi d’opérer sur un ensemble de corpus, séméiologie médicale, séméiologie chirurgicale, pharmacologie, parasitologie, anatomie pathologique, hémobiologie, immunologie, microbiologie, batériologie, etc., aussi vastes que copieux. En centrant leurs efforts sur la reprise, la relecture et la réécriture maintes fois recommencées des cours, les étudiants médecins de troisième année font ainsi preuve d’un grand réalisme disciplinaire.

Car les objectifs de l’apprentissage, nous l’avons dit plus haut, clairement définis et délimités par des sanctions institutionnelles particulièrement pointues et techniques, tels que les QCM, les QROC et les QRL, font explicitement porter l’attention sur la maîtrise détaillée des cours (« on a tout dans nos cours, tu vois ce que je veux dire, on a l’examen, c’est un truc à valider, et il est validé parce qu’on t’a mis dans ton cours »), et la difficulté sur la capacité des candidats à répondre justement, et qui plus est rapidement, aux questions de cours qui leurs sont proposées : choisir la ou les bonnes réponses, redire en quelques brèves formules un mécanisme séméiologique, réciter une « tête de chapitre » ou une partie d’un cours traitant d’un problème particulier, les affections respiratoires, la grossesse extra-utérine...

S’agissant d’épreuves de rapidité qui placent les étudiants en situation d’urgence, il faut savoir réagir rapidement, ne pas tergiverser, hésiter, répondre sans avoir à réfléchir. Le temps manque, par exemple, pour qui espère utiliser le brouillon : soixante QCM en une heure, quatre QRL en une heure... Connaître les cours ne suffit pas. Il faut les savoir sur le “bout des doigts”. Et seuls l’entraînement régulier et la fréquentation intensive et méthodique des notes de cours et des ronéotypés permettent de faire face avec suffisamment d’acuité à la somme des connaissances professées.