II. Le contexte des études sociologiques

II.A. La « lecture-écriture » : une technique disciplinaire de lecture et d’écriture

Si tous les apprentis sociologues ne lisent pas des imprimés avec la même intensité ni non plus selon des modalités identiques, la lecture-écriture apparaît clairement, comparativement à l’univers des études médicales, comme un ensemble de pratiques régulières de leurs activités intellectuelles. Tous les étudiants sont, à un moment ou à un autre, nous l’avons dit, conduits à prendre des notes de lecture sur les oeuvres parcourues : dans le cadre d’un mémoire, d’un exposé, ou d’un cours. Le livre (et plus généralement l’imprimé) est un recours nécessaire. Mais c’est moins la place occupée par le texte imprimé que les modalités de son appropriation dans une “lecture-écriture” qui définissent les spécificités de l’apprentissage intellectuel en sociologie.

C’est au travers d’une “lecture-écriture” que l’on peut en effet décrire ce travail d’appropriation. A la fois parce que, contre une vision romantique du travail intellectuel, elle présente l’avantage de montrer que le travail d’apprentissage, même lorsqu’il réside pour une part dans un travail de production, ne s’effectue pas ex nihilo mais bien sous la forme de reprises inventives ou d’une invention copiste, et d'autre part parce que la “lecture-écriture” permet également de rendre compte de ce qu’on peut considérer comme une trajectoire de la copie. D’une part, des lectures, des reprises textuelles qui se font dans et par l'écriture, dans une prise de notes qui discernent parmi les mots, parmi les idées, qui contribuent largement au travail de déchiffrement et de gestion du travail effectué et des connaissances. Et, d’autre part, des notes de lecture qui, par ailleurs, sous-tendent un travail de composition, qui sont réinvesties dans un travail d'écriture pour lequel elles constituent un ensemble de références, de thématiques, de démarches, etc., possibles et utilisables.

Loin de se définir comme un simple redoublement de la lecture “seule”, il faut donc entendre la “lecture-écriture” dans les deux sens qu’autorise la liaison. Car les modalités de cette appropriation réside à la fois dans le fait que la lecture-écriture constitue une pratique du lire spécifique (une technique de lecture) dans laquelle l’acte de lecture consiste à copier et ré-écrire pour partie le texte lu (à prendre des notes), et dans le fait qu’elle constitue également une pratique de production spécifique dans laquelle écrire (au sens de composer) consiste à reprendre et réinvestir pour inventer à partir de choses déjà inventées...