INTRODUCTION
Le cheminement d’une recherche.

Pratique clinique et découverte de la souffrance induite par le chômage.

Mes débuts de psychologue clinicienne dans le champ de la réinsertion professionnelle ont été marqués par la découverte d’une profonde souffrance chez des personnes déstabilisées par la perte durable de leur travail. Souffrance rarement mise en mots mais révélée par la passivité, l’abattement, le mutisme, par des accès de violence et d’agitation, par des détériorations physiques, des plaintes psychosomatiques, par l’alcoolisme... Souffrances pesantes, souvent ingérables pour des travailleurs sociaux confrontés à la pénible impression de ne jamais disposer d’assez d’énergie pour ranimer — au sens propre de redonner vie — des individus qui ne croient plus à rien.

Ma formation en psychologie et psychopathologie cliniques ne m’avait pas préparée à l’accompagnement de ce désespoir, de ces effondrements narcissiques directement liés à des situations de grande précarité et exemptes de demande de soins. Les organismes d’insertion dans lesquels j’intervenais, au titre de psychologue parfois, bien plus souvent comme formatrice ou référente de parcours, ne m’offraient guère de repères et de cadres pour penser les particularités de ces vies psychiques. J’ai souhaité par conséquent, rapidement, après deux ans de pratique professionnelle, pour prendre du recul par rapport à ce que je découvrais et aux difficultés que je rencontrais, engager une réflexion théorique et une démarche de recherche dans le cadre d’un DEA.