Questions suscitées par cette modélisation.

Ce travail universitaire plusieurs fois exposé à des travailleurs sociaux et à des financeurs de dispositifs d’insertion a donné lieu à de riches échanges. Je les résumerai en disant qu’ils consistaient à la fois en un accueil chaleureux par rapport à une réflexion théorique proposant une grille de lecture directement applicable aux comportements et réactions des personnes accompagnées quotidiennement, permettant donc d’éclairer certaines relations, situations en impasse, et en une émergence de questions en retour sur les moyens d’éviter la déstructuration que je m’étais employée à décrire :

De telles questions ont suscité des débats conduisant de moments de dépression face à la difficulté d’imaginer des objets de substitution — si ce n’est les objets pathologiques déjà choisis par certains demandeurs d’emploi (toxicomanie, délinquance, sectes,...) — à des moments de satisfaction par rapport à la piste ouverte pour penser les dispositifs existants, voire en créer de nouveaux.

Précisons, en revanche, que ces débats évacuaient toujours très rapidement le paradoxe formulé, comme s’il existait un trop fort danger à admettre l’absence d’emploi pour tous. Les activités de substitution recherchées n’étaient pensées, par la plupart des professionnels rencontrés, que comme des alternatives transitoires à l’emploi, celui-ci restant de toute façon l’objectif à atteindre. La perspective d’une insertion durable indépendamment de l’activité professionnelle n’a donc jamais été discutée, mais écartée par des rationalisations diverses : « Ce n’est pas notre mission, ni notre métier : nous sommes payés pour accompagner vers l’emploi » ; « L’absence durable d’emploi est inconcevable, il faut bien que les gens aient un revenu pour vivre » ; « Penser l’insertion hors emploi ne relève pas des acteurs de terrain mais de choix politiques... »