Les conditions de possibilité du deuil : évolution de la problématique et formulation des premières hypothèses.

La première sortie de l’impasse a reposé sur le glissement d’une quête infructueuse d’objets substitutifs vers la formulation de nouvelles questions.

Ces questions ont trouvé une amorce de réponse grâce à un rappel théorique de mon directeur de recherche :

La question corrélative à cette première interrogation étant :

Notons que cette nouvelle formulation de ma problématique a constitué une suite logique de la modélisation proposée dans le DEA. Cette étude était en effet centrée sur une population de chômeurs très particulière par la durée et la stabilité du parcours professionnel précédant le chômage. Envisager, pour ces personnes, la perte d’emploi en terme de rupture d’un lien privilégié, et donc en terme de gestion du deuil, n’a par conséquent rien de surprenant. Une expérience praticienne auprès d’autres publics, jeunes en première recherche d’emploi, personnes au parcours professionnel très chaotique, ayant alterné périodes d’emploi avec d’autres activités : période de voyage, d’activités artistiques, etc. ne m’aurait sans doute pas amenée à une réflexion en terme de deuil, le lien initial au travail n’ayant pas existé ou ayant été un lien beaucoup moins exclusif, plus transitoire, moins investi.5

Notons de plus qu’elle a relancé ma recherche sur de nouvelles questions :

Ces questions ont d’abord cherché réponses dans une investigation théorique concernant les mécanismes psychiques du deuil, ses conditions de possibilités et ses blocages. Cette investigation s’est centrée dans un premier temps sur le deuil d’un être aimé, seul deuil ayant fait l’objet, à ma connaissance, de riches développements théoriques. Elle a donné lieu à une présentation détaillée des processus psychiques mis en jeu par le travail du deuil, avant de servir de support à l’émergence d’un questionnement sur les spécificités du deuil de l’objet-travail.6 Elle m’a conduite à mettre en évidence trois grands registres de conditions influençant le déroulement du travail du deuil :

La déclinaison de ces différentes conditions, dans le cas de la perte de l’objet-travail, m’a permis de formuler un premier groupe d’hypothèses.

Le deuil de l’objet-travail serait particulièrement difficile pour des raisons concernant tout à la fois la nature de la relation objectale rompue, le rôle tenu par l’environnement pour faciliter la gestion de la perte et la forme du Moi d’un sujet confronté au chômage (Hypothèse A) :

Notes
5.

J’ai constaté ultérieurement, et j’aurai l’occasion d’y revenir, que la question du deuil du travail peut également avoir un sens pour des primo-demandeurs d’emploi qui, bien que n’ayant jamais travaillé, ont pourtant déjà établi un lien à l’objet-travail par des processus de socialisation qui les ont, depuis des années, préparés à un avenir de travail.

6.

J’expliquerai dans le chapitre II les raisons qui m’ont amenée à choisir l’expression « objet-travail » pour parler, tout au long de cette thèse, de l’activité professionnelle perdue.