2.1.1 Refus de la réalité et régression au Moi plaisir.

Cette première étape apparaît comme une confrontation avec une réalité qui s’impose, contre laquelle on ne peut rien quel que soit le déplaisir qu’elle provoque. Elle correspond au travail psychique imposé au sujet placé devant le fait que l’objet est irrémédiablement absent, travail où vont s’affronter principe de plaisir et principe de réalité, conduisant selon l’issue du combat à une entrée dans la deuxième phase de dépression et de détachement, ou à un suspens du deuil par refus de prise en compte de la butée du réel.

Le deuil apparaît dès cette première étape comme une épreuve douloureuse : « le Moi est écorché, dépouillé de ses limites sûres et reconnues »84.

L’étude étymologique et sémantique du mot perte confirme cette idée d’atteinte à l’intégrité du sujet, d’écoulement, de dépouillement et d’arrachement, mais aussi de déplaisir ou de non-désir,85 que j’associe pour ma part à l’emprise de la réalité. Emprise par allusion métaphorique au sens juridique ancien du mot (décision administrative toute-puissante, dans le cas d’une expropriation par exemple), métaphore que m’évoquent les expressions choisies par S. Freud au début de « Deuil et Mélancolie » (1915 b) : « ordre imposé par l’épreuve de réalité », « décret de la réalité », « réalité prononçant son verdict ». Face à ce qui fait extérieurement loi, la première réaction est celle du refus de l’accord avec l’événement, refus au caractère enfantin comme l’exprime bien A. Comte-Sponville (1982) en rappelant le « C’est pas juste » du petit enfant ou en écrivant « Le monde nous dit non et nous disons non à ce refus »86. On peut reconnaître dans ce refus un mouvement défensif par régression vers un état où les relations d’objet étaient autres, le temps de l’avant différenciation, le temps du primat du principe de plaisir.

Notes
84.

J. Guillaumin, op. cit., p 47.

85.

Ibidem, p 42.

86.

A. Comte-Sponville, op. cit., p 17.