2.2 Le temps de la dépression

Cette deuxième étape du deuil, accessible lorsque la réalité de la perte a pu être prise en compte, se caractérise par des signes extérieurs d’abattement, d’inhibition — ralentissement des activités, perte de l’élan vital, repli sur sa douleur et ses souvenirs — ne permettant pas spontanément de réaliser qu’il s’agit intérieurement d’une phase dynamique de détachement, exigeant du sujet d’importants efforts de gestion de ses énergies et de réaménagement de son monde interne. L’enchaînement des processus psychiques en jeu mérite d’être rappelé avant de passer à une analyse plus précise de chaque étape.

La disparition de l’objet extérieur investi entraîne d’abord la libération de l’énergie pulsionnelle attachée à cet objet. Les composantes libidinales et agressives précédemment liées dans une relation d’objet nécessairement ambivalente se trouvent désintriquées et flottent alors à la recherche d’un nouveau support contenant. Celui-ci est trouvé dans un mouvement régressif de retour de l’énergie sur soi et de surinvestissement de l’objet interne correspondant à l’objet externe perdu. Nous verrons ultérieurement en quoi la différenciation plus ou moins importante de l’objet interne et du Moi conditionne la suite du travail du deuil et explique que l’on puisse parler, dans certains cas, de retour de l’énergie sur le Moi plutôt que sur l’objet interne. Le surinvestissement permet ensuite un désinvestissement analytique de l’objet : travail lent et progressif, laissant le temps de traiter les énergies libérées, les sentiments d’abandon et de culpabilité qu’elles induisent et de construire une trace stable de l’objet perdu.

La complexité des processus à l’oeuvre dans cette phase de dépression mobilise largement le sujet, et le confronte à de nombreuses turbulences parfois difficilement gérables et pouvant être à l’origine de nouveaux blocages du deuil.