3.2 Ressemblance et intrication de l’objet-travail et du travail psychique.

L’explication du choix du terme « travail » proposée par F. Lévy me semble intéressante pour compléter les réflexions antérieures sur l’exclusivité. Elle offre en effet une piste pour commencer à comprendre l’intrication, voire la confusion, entre travail et travail psychique dans le discours collectif et chez certains chômeurs en particulier.

Le caractère de nécessité ou d’obligation sur lequel se focalise S. Freud pour penser le travail peut être trouvé dans d’autres réalités, corporelles par exemple. Le corps a lui aussi ses exigences et impose au sujet des contraintes auxquelles il ne peut que se soumettre. Les métaphores biologiques sont d’ailleurs également fréquemment utilisées pour décrire le fonctionnement psychique. Le choix de privilégier la métaphore du travail pour mettre en évidence « le potentiel créatif de la psyché » correspond toutefois certainement à la volonté de S. Freud de choisir les images les plus évocatrices possibles. Dans une société où le travail occupe une place centrale comme dans l’Europe des années 1900, le parallèle entre cette activité fortement valorisée et prégnante et la réalité psychique ne peut qu’être d’une grande efficacité sémantique. Un autre contexte culturel aurait conduit à modéliser le fonctionnement psychique grâce à d’autres représentations.

Comme le rappelle F. Lévy, S. Freud spécifie lui-même s’être laissé guider, pour le choix de certains termes, par le langage usuel et ce qu’il traduit sans que cela soit encore clairement formulé. Son choix du terme travail témoigne donc peut être déjà de la ressemblance intuitivement perçue par ses contemporains entre les deux réalités distinctes que sont le travail et le travail psychique : ressemblance qui peut conduire par glissement logique à confondre ces deux réalités. Le travail psychique pourrait, dans certains cas, parce qu’il répond à une même exigence ontologique que le travail, être identifié ou réduit à celui-ci.

Si le fonctionnement sociétal conduit dans un même temps à réduire le travail, activité humaine en général au sens de l’ergonomie, à sa forme d’emploi, le travail psychique peut finir par être assimilé à l’activité professionnelle. On comprend alors la détresse de chômeurs ayant l’impression d’avoir tout perdu — force physique, estime de soi, envie de vivre — en perdant leur emploi.