1.3 Intrication du fonctionnement moïque et de l’activité professionnelle.

La perspective historique développée précédemment a permis de définir à grand trait le cadre socioculturel dans lequel ont grandi et vivent les sujets de mon étude. Nous allons voir maintenant en quoi ce cadre culturel a marqué leur Moi de son empreinte.

Cette analyse suppose de revenir au point de vue psychanalytique du sujet et de ses relations à l’objet-travail. Cette nouvelle optique correspond au passage du sujet social au sujet de l’inconscient tel qu’il a été théorisé par R. Kaës (1993) dont les travaux me serviront de cadre de référence. Ils s’inscrivent dans la conception freudienne du sujet humain comme être social, c’est-à-dire comme « membre d’une lignée, d’un peuple, d’une caste, d’une classe, d’une institution »,299 et devant « prendre place, valeur et fonction dans un ensemble organisé de sujets ».300 Ces travaux ont l’intérêt de traduire et de compléter la modélisation théorique de la psychologie sociale en termes de valeurs, de normes, de rôles et d’identité en un point de vue intra-psychique et intersubjectif concordant avec le contenu de mes hypothèses. Le rôle de travailleur n’est plus envisagé comme une norme imposée par une organisation collective et respectée par un adulte se conformant aux valeurs de ses groupes d’appartenance ou de référence, mais comme une situation assignée par un groupe qui précède le sujet, « prédispose des signes de reconnaissance et d’appel (...), présente des objets, offre des moyens de protection et d’attaque, trace des voies d’accomplissement, signale des limites, énonce des interdits ».301 Cette inscription dans l’ordre groupal dont dépend l’existence de l’être humain est à l’origine de nombreuses exigences de travail psychique pour le sujet, mais lui permet en retour de bénéficier du soutien de l’ensemble pour la construction et l’entretien de son fonctionnement psychique.

Le passage du sujet social au sujet de l’inconscient me permettra, par conséquent, d’expliquer en quoi le travail psychique peut trouver étayage sur le travail, et comment cet étayage peut parvenir à s’intriquer, à capter ou à capturer les processus psychiques. Cette explication se fera en trois temps :

Notes
299.

S. Freud, Psychologie des foules et analyse du Moi (1921).

300.

R. Kaës, Le groupe et le sujet du groupe, p 283.

301.

Ibidem, p 286.