1. Le refus collectif de la fin de la centralité du travail.

L’analyse des processus de deuil dans le cas de la perte d’un être aimé a mis en évidence qu’au delà de la nature de la relation rompue, le deuil était largement conditionné par la qualité du soutien environnemental. Celui-ci s’avère important à chaque étape et d’autant plus nécessaire que le sujet est structurellement fragile.

Nous venons par ailleurs de voir que la perte d’un emploi pouvait se traduire, pour les sujets utilisant le travail comme étayage central de leurs fonctions moïques, par une profonde désorganisation tant sur le plan narcissique, défensif qu’élaboratif. Indépendamment de la solidité structurelle des individus, le chômage s’avère donc une période de fragilisation et par conséquent un temps de crise pendant lequel le sujet a particulièrement besoin d’un soutien environnemental.

Quelles sont les particularités de ce soutien dans notre société ? Existe-t-il une prise en charge collective favorisant la traversée de la période de chômage ou les sujets doivent-ils trouver leur propre stratégie de dépassement ?

Précisons avant de répondre à de telles questions que, dans la continuité du Chapitre IV, mon analyse restera très globale : je m’attacherai à décrire la trame commune de ce soutien environnemental, c’est-à-dire ce qui caractérise les discours politiques, médiatiques et les cadres institutionnels — au travers en particulier des dispositifs d’insertion et de lutte contre le chômage. Je n’oublierai pas pour autant que le soutien environnemental ne se limite pas aux organisations sociétales mais inclut également des groupes plus restreints, des proches plus immédiats qui jouent également un rôle très important. Les facteurs individuels ne seront toutefois pris en considération que lors des études de cas et donc très peu théorisés dans ce chapitre, si ce n’est pour montrer que ces proches sont eux-mêmes marqués et pris par les modèles sociétaux.