1.3 Pressions et étayages environnementaux.

Le matériel clinique recueilli lors de cet entretien n’est pas seulement une illustration de mécanismes psychiques en jeu dans un deuil difficile, il est également très significatif du rôle de l’environnement pour aider ou entraver la gestion de la perte. C’est ce que nous allons voir à présent en analysant comment M. Poena trouve un soulagement ou une pression supplémentaire dans les personnes qui gravitent habituellement autour de lui. Je réfléchirai aussi à notre interaction pendant l’entretien et à mon rôle d’étayage ponctuel à son travail du deuil. M. Poena me semble en effet avoir utilisé notre rencontre comme un espace et un temps où poursuivre et faciliter la gestion de la perte.

J’ai montré précédemment que M. Poena oscillait entre l’acceptation de la réalité de la perte et le refus de celle-ci. L’analyse de l’environnement le montre en fait tiraillé entre ceux qui l’encouragent à poursuivre ses recherches et ceux qui lui conseillent au contraire de faire le deuil de l’emploi, tiraillement d’autant plus important que les deux voies proposées supposent toutes deux un travail psychique difficile, qu’aucune ne permet d’échapper à la souffrance. Poursuivre les recherches, c’est trouver l’énergie pour y croire encore, accepter la blessure de chaque nouvel échec, renoncer à investir autre chose. Faire le deuil de l’activité professionnelle, c’est être confronté à la gestion de la position dépressive, c’est aussi gérer la culpabilité d’abandonner définitivement l’objet, de le lâcher à tout jamais.

M. Poena semble toutefois progressivement tendre vers cette deuxième voie ; c’est en tout cas ce que laisse supposer son classement dichotomique des différents acteurs qui l’entourent. Les personnes qui l’encouragent au deuil semblent faire partie du groupe des bons objets, alors que les dispositifs d’insertion qui prônent une poursuite de la recherche sont vécus comme des persécuteurs, pouvant aller jusqu’à le mettre en danger de mort.