1.3.2 L’entretien de recherche : un possible accompagnement du travail du deuil ?

Après avoir analysé les effets des discours de certains professionnels de l’insertion, il me semble important de réfléchir au rôle que j’ai pris au cours de l’entretien de recherche. Notons à ce propos que le dispositif d’insertion contre lequel M. Poena a accumulé beaucoup de rancoeur est aussi celui qui m’a communiqué ses coordonnées. Il m’a donc fallu, même si mon statut de chercheur rattaché à une université d’un autre département me plaçait d’emblée dans une position relativement neutre, confirmer au cours de l’entretien que j’étais bien complètement indépendante de ce dispositif.

L’analyse de l’ensemble des interactions montre la progressive transformation de la position de M. Poena par rapport à moi : son discours en début d’entretien pourrait s’adresser aux professionnels de l’insertion. Il expose son parcours difficile, mais insiste sur sa bonne récupération actuelle et présente ses recherches en cours. Il garde donc prudemment une position de demandeur d’emploi (phase 1). Le bref incident, dont j’ai déjà parlé à l’évocation du stage d’insertion, l’amène à me distinguer de ces professionnels et sans doute à percevoir que je ne suis pas dans une position du jugement par rapport à son chômage (phase 2). Il peut alors plus librement évoquer ses doutes et son progressif renoncement. Nous verrons toutefois qu’il reste très ambivalent, m’obligeant à un difficile travail de réajustement pour rester dans une position la plus empathique possible (phase 3).

Je propose de suivre et de commenter le canevas général de ces interactions.