2.2 Les travers d’une organisation défensive.

De tels énoncés qui constituent le squelette du discours manifeste, pourraient, sortis du contexte de leur émission, être analysés comme un renoncement à l’objet-travail et comme une bonne adaptation au nouveau mode de vie. Ces propos sont toutefois en permanence contredits par une série d’autres messages verbaux, mais aussi d’attitudes, d’interrogations et de sentiments contre-transférentiels les faisant apparaître comme un discours de façade figé et désaffectivé derrière lequel Mme Herbaud semble s’être retirée. Le soin apporté à l’apparence physique et à l’entretien de l’appartement paraît être, dans une même logique, une image extérieure préservée méticuleusement, par habitude ou par obligation, mais bien éloignée du vécu psychique de Mme Herbaud Le décalage entre son aspect souriant et avenant et sa voie monocorde, presque inaudible par moments, confirme ce sentiment de retrait du sujet derrière un corps impeccable qu’elle expose au regard des autres.

L’ensemble de ces éléments pourrait être interprété comme un mécanisme de défense directement lié à la situation d’entretien : Mme Herbaud ne se laisserait pas aller à dire ce qu’elle pense vraiment ni à montrer ce qu’elle ressent par crainte de l’utilisation que je pourrais en faire ou pour ne pas dévoiler sa détresse à une inconnue. Sa retenue ne serait qu’un refus de l’interaction, une tentative pour se protéger de manifestations émotionnelles qu’elle ne souhaiterait pas laisser déborder ici.

Je fais toutefois l’hypothèse qu’au delà d’une position de prudence ou de réserve pudique par rapport à moi, il témoigne d’une organisation défensive bien plus profondément installée, et utilisée comme un rempart rigide et mortifère contre le risque de dépression lié à la perte d’activité, donc d’une protection contre des manifestations émotionnelles trop violentes pour qu’elle puisse les gérer.

Reprenons en détail les éléments qui peuvent soutenir une telle hypothèse.