8.1.2 Choix et gestion de l’incertitude de l’avenir.

Le choix est d’autre part synonyme d’absence d’inquiétude pour l’avenir (ou tout au moins d’inquiétude très limitée et canalisée). Mme Sagine qui m’a demandée lors de la première sollicitation pour l’entretien si elle devait me sortir ses anciens bulletins de salaire pour les comparer à son revenu actuel est très consciente que la réalité financière a été un élément déterminant dans sa décision (J’utilise le mot déterminant au sens où il a rendu possible la réflexion : disposer d’une sécurité de revenu était une condition nécessaire mais non suffisante pour choisir la retraite anticipée). Elle constate ainsi que sans le statut de fonctionnaire de son mari, elle n’aurait sans doute jamais fait un tel choix dans la mesure où il exclut un retour dans la fonction publique et rend très difficile la reprise d’activité si elle le souhaitait un jour. Notons que les remarques de Mme Sagine quant à son revenu actuel apporte une illustration à la très large définition des besoins d’auto-conservation choisie pour ma recherche (voir chapitre IV, § 1.1). On constate en premier lieu que la préoccupation concernant ces besoins ne se limite pas à une rémunération mais englobe une notion de sécurité à long terme. On peut souligner d’autre part que ce qui paraît important est la conservation d’un revenu normal, c’est-à-dire comparable à celui des amis ou voisins appartenant à la même catégorie sociale. Mme Sagine insiste à plusieurs reprises sur le fait que son arrêt professionnel n’entraîne qu’une faible baisse du pouvoir d’achat de sa famille dans la mesure où la rémunération directe perdue est compensée par des prélèvements fiscaux moins importants. La situation financière leur permet donc de mener une vie en accord avec leurs désirs et de ressentir un sentiment d’équité par rapport à d’autres ménages : il n’y a pas de raison de travailler pour payer des taxes si l’on peut disposer d’un revenu comparable sans activité professionnelle.

• « J’ai pu m’arrêter de travailler parce que mon mari est cadre moyen dans la fonction publique. Son salaire permet de vivre à nous cinq, c’est vrai aussi que ça correspond à un choix de vie. On n’est pas dépensier... On a une maison qui est juste correcte, on ne veut pas vivre dans un château, on ne veut pas de voyages aux Baléares ou dans le désert ou je ne sais pas où, au Japon...On ne court pas après ça. Donc le salaire permet de vivre tout à fait correctement, normalement ».

« Moi, je dis à tout le monde, honnêtement, regardez vos finances, mais si vous pouvez prendre la retraite de bonne heure, faites-le. Qu’est-ce que c’est de perdre un peu d’argent... surtout que vu la fiscalité, on sera taxé de plus en plus, donc l’argent qu’on gagne, c’est pas tout dans la poche... Il faut calculer honnêtement, parce qu’on ne perd pas tant, pas tant que ça ».