8.2 Du travail à l’activité.

8.2.1 La distinction entre activité pour soi et pour les autres.

La description de ses nouvelles activités occupe la part la plus importante du témoignage de Mme Sagine et s’articule autour de la distinction entre activité pour soi et activité pour les autres. Les premières correspondent à des activités de loisirs choisies parce qu’elles lui plaisent et qu’elle n’avait pas le temps de s’y consacrer lorsqu’elle travaillait : « Je fais des trucs pour moi qui me plaise : la chorale et puis du tissage... Et puis de temps en temps je vais faire du ski de piste, du vélo ».

Ces activités sont présentes comme une suite logique du premier été qui a suivi la prise de retraite : les vacances se sont prolongées, Mme Sagine a réalisé qu’elle était complètement libre, s’est interrogée sur ses goûts et s’est inscrite dans différents ateliers lui permettant de rester disponible pour s’occuper de ses enfants après l’école.

Ce premier groupe s’oppose aux activités « qu’il n’y a pas de raison de ne pas faire » lorsqu’on a du temps.

  • « On a l’impression de mener sa vie un peu comme on le souhaite, pas tout non... mais un peu comme on veut, et ça, c’est un goût de liberté qui est fort intéressant, que j’apprécie... et d’un autre côté, ce temps disponible que j’ai, je ne veux pas en profiter, le garder pour moi toute seule. Sur le plan humain, humanitaire, il n’y a pas de raison, je crois que ça serait gaspiller sa vie, vraiment... Je pourrais aller au cinéma par exemple, un après-midi par semaine toutes les semaines, je pourrais bouquiner trois bouquins par semaine, je pourrais faire plein de trucs comme ça mais je pense qu’il y a des contacts qui restent à avoir et puis donner des coups de main par-ci, par-là, accompagner les gens... »

Cette nécessité de ne pas s’enfermer dans une seule recherche de plaisir individuel conduit Mme Sagine à s’investir dans différentes activités pour son quartier ou sa paroisse. Elle participe à des réflexions sur la lutte contre la délinquance, le tri des déchets et la propreté de l’environnement, s’est occupée du catéchisme avant de former les parents à animer eux-mêmes certains groupes. Elle compare ce deuxième registre d’activités au bénévolat réalisé par certaines collègues : ‘« J’ai une collègue qui a donné du bénévolat auprès de personnes âgées...Oh, là, là, il y a de quoi faire, des personnes âgées qui n’ont plus de famille ou qui sont mises sur une voie de garage. Ou il y en a une qui a fait ça dans “Grossesse secours” au planning familial... »’

Ce type d’engagements contribue à la gestion de la culpabilité et donne sens à l’existence en garantissant le respect de valeurs morales auxquelles Mme Sagine est attachée. Rien ne l’excuserait de ne pas apporter sa contribution à la société puisqu’elle dispose du temps nécessaire pour le faire : « La vie, on ne la vit qu’une fois, et on ne vit pas sur des petits nuages ». Nous allons voir qu’il offre aussi plus globalement la possibilité de retrouver les nombreuses fonctions tenues antérieurement par le travail pour l’équilibre psychique.