8.3 Synthèse.

Le parcours de Mme Sagine se distingue clairement des autres situations évoquées, avant tout par la position qu’elle a prise dans la disparition de l’activité professionnelle. Cette caractéristique n’empêche toutefois pas que cette jeune retraitée ait à mener un travail psychique comparable par bien des points à celui des chômeurs. Le transfert des fonctions tenues antérieurement par l’activité professionnelle reste une nécessité : Mme Sagine doit trouver de nouvelles voies pour apporter sa contribution à l’édifice collectif, trouver des gratifications narcissiques et un sens à sa vie. La problématique de l’obligation déjà mise à jour avec Mme Chesnais et M. Otavalo est de nouveau bien présente : il s’agit de construire de nouvelles raisons d’échanger avec son entourage, de s’inscrire et de maintenir son inscription dans différents groupes d’appartenance.

Parallèlement à ces similitudes avec les situations de perte d’emploi subie, ce parcours révèle des facteurs favorisant l’aménagement d’une vie sans l’étayage du travail.

Un premier facteur correspond à la nature de la relation à l’objet-travail existant antérieurement : le caractère non exclusif de cette relation contribue sans doute beaucoup à l’adaptation actuelle de Mme Sagine à sa nouvelle vie. Cette maturité de la relation va en effet de pair avec une meilleure distinction du travail et des fonctions tenues par celui-ci.

Un deuxième facteur correspond à l’absence ou à la très faible pression environnementale pesant sur Mme Sagine : son statut ne l’expose pas aux messages disqualifiants et « paradoxants » si souvent adressés aux chômeurs. Ceci est en partie expliqué par la capacité de cette jeune retraitée à assurer ses besoins d’auto-conservation et donc à ne pas s’inscrire dans une relation de dépendance par rapport à la société. Cette faible pression lui permet à son tour de disposer d’une plus grande souplesse face aux normes sociétales. La nécessité de réaménager le rapport à ces normes déjà apparue avec les parcours de Mme Canna et de M. Otavalo est confirmée ici comme l’une des exigences psychiques pour construire un équilibre sans l’étayage exclusif de l’activité professionnelle.

Notons enfin que ce parcours semble corroborer l’hypothèse émise en conclusion du cas précédent : la construction d’une relation moins exclusive à l’objet-travail semble moins difficile pour les non-chômeurs. Mme Sagine a pu se poser la question de la place du travail dans son existence dans la mesure où la garantie de ressource laissait cette question ouverte. L’obligation de satisfaire ses besoins d’auto-conservation vient au contraire la clore avant même qu’elle soit posée. Mme Sagine a d’autre part pu penser l’ambivalence de sa relation à l’objet-travail avant d’en être privée. Elle a donc évité l’idéalisation ou le rejet induit par la perte et peu propices à la construction d’une relation plus mature.