2.8 Mme Sagine.

• - cherche des personnes dans mes connaissances qui ont pris la retraite de bonne heure, ce que les personnes appellent de la demi-retraite, en fait, c’est une façon de parler, mais ce n’est pas une demi-retraite. C’est vrai, je touche ma retraite tout de suite, mais elle ne sera jamais entière. C’est définitif. J’ai commencé à 3000... non, même pas, c’était 2900 F et des poussières, j’en suis à un peu plus de 3000 F, ça n’augmente pas vite puisque c’est indexé sur les salaires, et puis c’est tout, ça n’ira jamais plus loin... Mais je suis infirmière de métier, après j’ai fait l’école des cadres, ensuite un an à travailler [à l’étranger], puis je suis revenue de [la ville] d’où je venais, puis maintenant [ici] (j’ai suivi mon mari). J’ai travaillé, et j’ai eu mon premier enfant, j’ai pris mon congé de maternité et j’ai repris le travail. Puis j’ai eu mon second et là j’ai pris un arrêt, ce n’était pas un congé parental parce que je n’avais pas retravaillé assez après la naissance du premier. Je me suis arrêtée de travailler, je n’avais aucune allocation. Rien du tout. Et puis le troisième est né, trois ans plus tard et de 6 mois en 6 mois j’ai reporté ma mise en disponibilité pour élever mes enfants... Voilà, c’est le titre officiel, c’est ça. Et puis j’avais droit jusqu’à ce que le dernier ait huit ans. Quand il a eu huit ans révolus il fallait que je retravaille. A partir de six ans, je me suis manifestée auprès de l’hôpital où j’étais embauchée comme surveillante et puis Mlle P. me disait qu’elle n’avait rien en ce moment mais qu’elle était d’accord pour que je retravaille, mais j’avais deux ans devant moi. Et puis un jour, en 199x, j’ai reçu un coup de téléphone de l’hôpital. Il y avait un poste à mi-temps qui se libérait à l’école d’infirmière, c’était le 23 décembre, et il fallait commencer le travail le 7 janvier. J’ai dit « Attendez que je réfléchisse » puis j’ai accepté parce que le mi-temps m’intéressait, que je n’avais jamais travaillé à mi-temps avant et donc j’ai recommencé, j’ai retravaillé pendant trois ans, comme enseignante... J’ai dit oui... et puis quand... parce que je n’avais pas fait mes quinze ans dans le public, en fait j’avais bien plus de quinze ans d’exercice parce que j’avais travaillé dans le privé, mais pas quinze ans dans le public.... On s’est posé la question « Qu’est ce que je fais ? Est-ce que je continue ou pas ? » On a fait les comptes, mon emploi aussi était fort intéressant, mais travailler avec la directrice de l’école, je ne pouvais plus, parce que recommencer à travailler à 45 ans avec une certaine expérience derrière soi et ne pas pouvoir travailler en tant que collaboratrice, moi, je n’ai pas pu. J’ai tendu le dos, j’ai supporté, mais je ne pouvais plus. Alors j’ai demandé à l’hôpital s’ils n’avaient pas un poste à mi-temps, retourner dans les services actifs. Ils n’avaient qu’un poste à mi-temps de nuit à me proposer. Je me suis dit que des nuits, j’en avais assez fait, comme infirmière, j’ai fait mon compte. Moi je ne suis pas un oiseau de nuit, ça ne me convient pas très bien, surtout que les enfants étaient encore jeunes... Non... Il faut tenir le coup encore la journée... Ce qui fait que j’ai dit : « Place aussi à des jeunes, hein ? » Mon poste, de toute façon, il y en a qui attende après, même un poste à mi-temps et c’est vrai que [X] était bien contente de l’avoir. Et voilà... ce qui fait que j’ai choisi d’arrêter. Alors c’est vrai que j’ai pu m’arrêter de travailler parce que mon mari est cadre moyen dans la fonction publique. Son salaire permet de vivre à nous cinq. C’est aussi un choix de vie, nous ne sommes pas trop dépensiers. On a une maison qui est juste correcte, on ne veut pas vivre dans un château, on ne veut pas deux voitures, on ne veut pas une piscine, on ne veut pas de voyages aux Baléares ou dans le désert ou je ne sais trop où, au Japon... On ne court pas après ça. Donc le salaire de mon mari permet de vivre tout à fait correctement, normalement. D’un autre côté, c’est vrai que je pense aussi qu’il y a d’autres choses à faire que le travail, des choses intéressantes et des choses à se réaliser aussi qui sont intéressantes. Et puis les enfants n’ont rien demandé, mais quand j’ai arrêté de travailler ils étaient contents... L’aîné n’a pas su le dire, mais Myriam et Pierre ont su le dire. En 199x, Myriam avait 12 ans et Pierre 9, quand je me suis arrêtée de travailler, et à cet âge là, ça comptait. J’étais disponible le soir quand ils rentraient de l’école, avant je finissais à 18 heures. Jusqu’au repas je ne faisais rien d’autre, quand j’étais avec eux, et c’est vrai que ces moments là je les ai vécus de façon dense, c’était important. J’avais bien aimé, et puis je travaillais après le repas, le soir, la nuit, parce que je n’avais jamais été monitrice dans l’enseignement. Il a donc fallu que je fasse mes cours et heureusement que je n’étais qu’à mi-temps ; mais mi-temps à l’école d’infirmière, ce n’est pas l’éducation nationale, c’était 20 heures de présence et de cours... Oh là, là, c’était dur... Heureusement, il n’y a pas trop de devoirs... trois ou quatre par trimestre.... C’était du travail de préparation, oui, et pas mal de relations pour préparer les stages, les encadrer, et puis c’est un travail intéressant parce que ce sont des grands, ils ont fini le bac... Et puis c’était un truc tout à fait nouveau, c’était intéressant.

• - Au moment du choix, les difficultés avec la directrice ont été déterminantes ?

• - Ça a été déterminant pour la moitié du choix, oui... Oh je pense bien la moitié... Oui, c’était difficile. Je me disais que c’était une histoire de caractère, de tempérament, mais beaucoup de monitrices étaient dans mon cas, on essayait de voir ensemble pour collaborer, mais non, ne pas collaborer, diviser pour régner... Non, moi je ne peux pas, et puis une école, c’est une entité, on travaille ensemble, je ne pouvais pas me... Et puis l’école, si ça ne va pas très bien, que c’est difficile d’y travailler, et bien on verse sur autre chose... On n’est pas à l’hôpital, ce n’est pas pareil....

• - Avec une ambiance différente, vous auriez pu continuer ?

• - Peut-être. A mi-temps, oui, peut-être encore quelques années... Peut-être... Je ne sais pas... Parce qu’après, les enfants grandissant, j’aurais peut-être pensé qu’ils n’avaient plus besoin de moi pour être là, pour les devoirs... Et puis en fait, c’est bien tombé parce que mon troisième a besoin que je sois là pour les devoirs, il a encore besoin de nous pour l’aider. Le collège, c’est dur pour lui, donc il faut être là pour le soutenir... parce que mon mari ne rentre pas très tard du boulot, 17h30 c’est tôt. Il est là, il s’assure que Pierre fait ses devoirs, mais il ne fait pas plus, alors Pierre , il est devant sa feuille, mais il rêve, donc il faut s’y prendre d’une autre manière, d’une autre façon et mon mari n’y arrive pas trop, il ne sait pas trop.

• - Votre mari a la sécurité de l’emploi, c’était important pour choisir d’arrêter ?

• - Oh, bien oui ! Je n’aurais pas pu me permettre de balancer... parce que quand j’ai arrêté, j’ai donc choisi la retraite. Après, c’est fini, je ne peux pas réintégrer, normalement, officiellement. Et comme l’emploi est de plus en plus difficile, je voie les nouvelles diplômées qui ne trouvent pas de poste. On leur donnerait un poste à elles en priorité, plutôt qu’à moi qui a choisi une autre voie. Il faudrait... je ne sais pas... même étant veuve je ne crois pas qu’on me reprendrait. Il faudrait que je retrouve un autre boulot...

• - En libéral ?

• - Non, en libéral je ne peux plus travailler, c’est de plus en plus réglementé parce que je n’ai pas travaillé dans les trois dernières années dans un établissement hospitalier... donc comme j’ai arrêté depuis plus de trois ans, c’est fini, c’est fini. Je ne peux plus m’inscrire à la préfecture.

• - Ce ne serait pas facile, mais il y a toujours des combines, notamment dans des cliniques privées, quand ils ont besoin de dépanner, par exemple des gardes de nuit, le week-end, là ils trouvent n’importe qui, qui est diplômé quand même, mais ils prennent... S’il y a besoin, c’est possible... Mais pourvu qu’il n’y ai pas besoin. [rire]

• - Vous ne le souhaitez pas...

• - Non, j’avoue...

• - Vous êtes satisfaite de votre situation....

• - Oui, parce que j’ai trouvé des choses intéressantes à faire. Par exemple quand mes enfants ont eu l’âge d’aller au cathé, je me suis dit qu’étant en arrêt pour élever mes enfants, il n’y avait pas de raison de ne pas donner un coup de main. Je voulais voir, et puis cette pédagogie qui était utilisée m’a intéressée. Alors j’ai fait pour le premier, pour le second et j’ai continué après et il y a des choses intéressantes... Et puis par ce moyen là, il y a des contacts dans le quartier avec les parents.... C’était une découverte des réalités de la vie qui est intéressante... C’est riche...

• - Vous êtes toujours cathéchiste ?

• - Euh... Cette année pas vraiment, cette année je n’ai pas d’enfant avec moi, mais j’ai les parents et puis l’année prochaine j’arrête parce qu’il faut laisser la place aux jeunes... qu’on ne trouve pas bien et puis ça fait déjà je ne sais pas combien d’années. Il faut renouveler [rire]...

• - Les relations que vous aviez dans votre travail, vous les retrouvez dans un autre domaine...

• - Oui, tout à fait. J’aurais pu garder un contact plus professionnel ou hospitalier. J’aurais pu trouver du bénévolat ou quelque chose... plus professionnel... J’ai un collègue qui s’était arrêté 2 ou 3 ans avant moi... Mais je n’ai plus son nom, je ne suis pas resté longtemps en fait à l’hôpital. Parce qu’arriver dans une entreprise de 1600 personnes... je venais [d’un petit hôpital] où tout le monde m’appelait par mon prénom et me tutoyait et je tutoyais tout le monde. Alors que là c’est « Mme Sagine » et « vous » ; les premiers mois ont été durs... Il y en a qui ont donné du bénévolat auprès de personnes âgées...Oh là, là, il y a de quoi faire. Des personnes âgées qui n’ont plus de famille ou qui sont mises sur une voie de garage... Il y en a une qui a fait ça dans les grossesses secours au planning familial... Enfin, le bénévolat.... Et puis je fais des trucs pour moi, qui me plaisent : la chorale, le tissage... De temps en temps je vais faire du ski de piste ou du vélo. Pas la piscine, je n’aime pas. J’ai une amie qui veut m’y emmener, mais j’y vais avec réticence [rire]...

• - Ce sont des activités que vous aviez avant ?

• - La chorale, oui... mais pas le reste, je n’avais pas le temps. Et quand j’ai retravaillé les trois dernières années, à l’école d’infirmière, j’ai tout arrêté, j’étais obligée, je ne pouvais pas.

• - Vous étiez complètement prise ?

• - Oh oui !... parce que tous les soirs je travaillais jusqu’à minuit, une heure. Je ne pouvais pas. Il fallait que je dorme aussi. Les samedis et dimanche, avec toute la famille. J’ai tout arrêté là et j’ai repris après. La chorale, par exemple, plus cette année j’ai changé de chorale, mais quand j’avais démarré dans une petite chorale, la chef de choeur, sachant mon passé de choriste, m’avait dit : « Tu prends le pupitre des altistes » et j’ai accepté, ça m’intéresse. Donc ce qui veut dire du travail chez moi, dans la journée, j’avais bien deux à trois heures de travail par semaine. Toutes ces petites choses-là comme ça... ce qui fait que les journées sont remplies.

• - Vous n’avez pas d’impression de vide ?

• - Non... Je vois dans notre quartier, la population vieillit et il y a des personnes qui sont au chôm... pas au chômage, à la retraite, des personnes de 65 ans, le mari est à la retraite et la femme n’avait jamais travaillé. Des fois, elles me disent que les journées sont longues et pourtant, elles ont une maison et un petit bout de jardin à entretenir. Je m’aperçois, je découvre que ces personnes, elles regardent tous les feuilletons à la télé... Moi, ce n’est pas mon truc....

• - Elles remplissent leurs journées ?

• - Et bien oui, je pense... Parce que leurs petits-enfants sont loin, elles n’ont pas à les voir... Je ne dis pas les garder, mais elles ne tricotent pas pour eux, bon... Quand on se rencontre, on taille la bavette pendant une demi-heure, mais je ne vais pas chez elles, je n’ai pas le temps, on n’a pas trop les mêmes atomes crochus.

• - Le passage du travail à d’autres activités, ça vous a demandé une période d’adaptation, ça a été facile tout de suite ?

• - Ça s’est passé l’été, j’ai arrêté en juin, juillet. Ça a fait des vacances un peu prolongées et après, je me suis sentie libre, oui, beaucoup de liberté. Et puis l’année scolaire a recommencé, c’est alors que je me suis dis : « Cette année je suis complètement libre, alors qu’est-ce que je fais ? » J’en ai parlé avec mon mari. C’est là que j’ai recommencé la chorale, le tissage qui me plaisait bien avant, j’y suis retournée. C’est un atelier deux après-midi par semaine... Je n’y allais pas forcément les deux des après-midi et puis j’essayais de m’arranger pour rentrer à la maison pour la sortie de l’école. Après... on n’a plus les journées tellement minutées... Ça, ça fait, rien que ça, ça fait une grande liberté. Ce qui m’a manqué, ce sont les collègues, parce qu’elles étaient bien sympas, mais les collègues sympas, elles habitent loin, donc on se téléphonait uniquement, mais elles ont du boulot... En semaine je ne pouvais pas, et puis le week-end... On a perdu le contact parce qu’on ne faisait rien ensemble le week-end pendant qu’on travaillait. C’était des relations professionnelles bien sympas, mais qui se sont estompées... Et puis, après l’école ayant recommencé avec mes différentes activités, mes engagements, je n’ai pas trop senti de vide... Mais c’est intéressant, parce qu’on a l’impression de mener sa vie un peu comme on le souhaite, pas pour tout, non, mais un peu comme on veut. Et ça, c’est un goût de liberté qui est fort intéressant, que j’apprécie. Et d’un autre côté, ce temps disponible, que j’ai, je ne veux pas en profiter ou le garder pour moi toute seule, sur le plan humain, humanitaire, il n’y a pas de raison. Je crois que ce serait gaspiller sa vie, vraiment... Si... Je pourrais aller au cinéma par exemple, une après-midi par semaine toutes les semaines, je pourrais bouquiner trois bouquins par semaine, je pourrais faire plein de trucs comme ça, mais je pense qu’il y a des contacts qu’il reste à avoir et puis, donner des coups de mains par-ci, par-là, accompagner les gens... Justement, les parents des enfants du cathé habitent le quartier, ce qui fait qu’il y a beaucoup de familles en difficulté, éclatées, en voie de dislocation, en voie de regroupement ; des associations... Aie, aie, aie...Je me dis que les enfants, là-dedans... Je m’aperçois que quand on contacte ces personnes rien que pour des raisons horaires, savoir si leur enfant est malade, etc. et bien à la longue, ça créée des contacts et les mamans, c’est souvent elles, sont contentes de voir quelqu’un, de discuter. Elles m’ouvrent la porte facilement... sauf une, toujours la même, je m’en rappelle, qui m’a toujours reçue sur le palier, la porte entrouverte, mais elle était contente, elle était assez bavarde, ça durait une demi-heure, mais toujours sur le palier, porte entrouverte... Bon... C’était spécial.... Je me disais qu’elle ne voulait peut-être pas que je rentre chez elle... mais autrement, il y en a qui sont contentes de nous voir, et quand elles commencent à nous raconter, quand elles ont envie de dire un petit peu leur vie, je me dis « Flûte ! ce n’est pas ma vie facile ». Parce que j’ai une vie facile, ça c’est vrai. Même si l’éducation n’est jamais parfaite, même s’il y a les crises d’adolescence à passer, il y a le troisième à l’école, ça ne va pas et c’est du souci pour l’avenir, mais ça, ce n’est rien, ça.

• - Vous n’avez pas choisi n’importe quelle activité. C’était important de participer à la vie du quartier.

• - Oui, c’est ça...

• - Vous êtes active...

• -Active... un peu par la présence, mais je suis en retrait par rapport aux activités. Par exemple, j’ai ma carte au centre socioculturel mais je ne fais rien là-bas. Je ne participe à aucun atelier, aucune activité, parce que ce serait assez régulier, et là, je crois que je n’y arriverais pas. J’aurais peur de ne pas arriver à être là régulièrement... parce que j’ai toujours des... [rire] C’est le jour où j’ai été à la retraite que j’ai acheté un agenda, parce que je n’ai que des choses irrégulières, souvent, alors pour s’en souvenir....

• - C’est aussi une liberté d’avoir des activités irrégulières ?

• Ah oui !... oui, aussi... par exemple, pour le cathé, vu mon métier et sachant que j’avais été formatrice, on m’a demandé d’être formatrice des cathéchistes [de toute l’agglomération]. Je leur ai dit :« Oh là, là, je ne sais pas, je vais réfléchir un peu ». Et l’année d’après, j’ai accepté. Ce qui fait d’autres choses encore... Ce n’est qu’une fois par mois, mais il faut le préparer. On est trois ou quatre à le faire ensemble. Ce qui nous fait faire des recherches, du matériel, du bricolage, parce qu’au cathé, c’est des petits enfants quand même. C’est vrai que ça prend du temps, mais c’est sympa parce que les collègues que j’ai perdu à l’école, je les retrouve un peu... enfin, plus espacé, on ne se voit pas tous les jours, mais je les retrouve un peu là...On prépare quelque chose ensemble, on construit quelque chose ensemble et ça, c’est intéressant, ça me plaît bien... oui.

• - Vous retrouvez les aspects intéressants de votre métier... On vous a demandé parce que vous aviez des compétences.

• - Je pense, oui. C’est pour ça qu’on m’a demandée et puis j’aime bien.

• - Et votre carte du centre socioculturel ?

• - Il n’y a pas longtemps que l’ai prise. Ça m’intéresse d’y aller, de savoir un peu, je vais aux infos... parce que je me considère du quartier. Moi je me toujours sentie [de ce quartier] et j’ai eu envie d’aller voir ce qui se passe au centre socioculturel... j’ai trouvé ça super, parce qu’il y a plein de trucs, de spectacles. J’y allais avec les enfants, la consultation de nourrisson. J’y allais, j’ai pris contact comme ça et puis quand j’ai fait le cathé la première année, ils nous prêtaient une salle. Et après je connaissais un peu les gens, j’utilisais les locaux, alors j’ai pris ma carte, pour aller jusqu’au bout quand même. Ce qui fait que je suis allée à l’assemblée générale, cette année je l’ai loupée... Comme ça on découvre un peu plus. [De l’autre côté du quartier, à l’annexe], je faisais le cathé, ils nous prêtaient les salles et puis là, avec les événements du quartier « Touche pas à mon bus », les problèmes [au supermarché], ça a commencé par là, dans... dans ma... dans mon intégration au quartier si je peux dire. Et l’année dernière, j’ai fait le cathé à [X], c’est une maison qui dépend de la ville... C’est les jeunes qui l’ont utilisé en premier, qui l’ont appelé comme ça... là aussi j’ai connu le gardien, c’était fait par une association, quand ils ont fait leur campagne de propreté, j’y étais, ça m’intéressait... j’essayais de faire le relais entre ce qui se passe et ce qui se vit dans le quartier. Pour la « semaine des enfants », au cathé, j’interviens auprès des cathéchistes, je leur dis « Tu sais, il y a ça qui se passe, parles-en dans tes groupes, envoie tes enfants aux expos, aux jeux ». Je dis : « Ils vivent ça dans les écoles, il faut le reprendre au cathé, en parler. Quelle est leur place ? Qu’est-ce qu’ils en pensent ? Il faut les sortir de leurs “Game boy” ». Pour nous, être chrétien, c’est être humain déjà, des enfants à part entière... De plus en plus je m’implique dans le quartier, j’essaie d’être présente. Mais en responsabilité, non... alors ça y est, je vais être dans une commission de la ville qui fait le collectif de toutes les associations du quartier et créée trois commissions... vous savez ça.... Et je me suis inscrite dans une commission... C’est vrai que je continue à aller au temps de réflexion avec la paroisse. On va se réunir entre nous pour en parler parce que entre nous, on en parle deux par deux, trois par trois quand on se rencontre, ou par affinité, à propos de tout... On est présent, les chrétiens, on est présent, à titre individuel ou au nom de la communauté chrétienne, mais plus à titre individuel. On va en reparler, au moins se dire les choses, parce qu’on est de bords différents et qu’il faut créer, se dire les choses entre nous et approfondir notre réflexion et continuer notre réflexion... Alors je m’implique aussi là-dedans, ça m’intéresse parce que je me dis qu’il faut être présent, la vie on ne la vit qu’une fois et on ne vit pas sur des petits nuages... Bon, c’est mon truc, ma façon de penser [rire].

• - Votre implication dans la communauté chrétienne vous permet de vous sentir partie prenante... ça a l’air d’être très présent....

• - Oui, c’est important parce que je peux dire que ça me fait vivre... Dans le sens, ça me prend du temps, ça me prend des pensées, ça me fait parler avec d’autres, avoir des contacts, pour faire un bout de chemin ensemble pour avancer, ce n’est pas uniquement des contacts pour dire « Tiens, on va aller au ski ».

• - Ce sont des contacts constructifs... Que voulez-vous dire par « ça me prend des pensées » ?

• - Eh bien j’y pense... dans la journée, le soir avant de m’endormir quand les idées défilent et puis je bouquine, je cherche... j’en parle avec d’autres...

• - C’est toujours présent, en cours d’élaboration...

• - Alors je me demande des fois, je me dis « Tiens, ça remplace mon métier. » Un peu, oui, dans le sens où quand je travaillais, il fallait toujours penser au métier : « Comment on va faire ce cours-là, et cet élève-là est-ce qu’il est bien dans sa peau, est-ce qu’il ne faut pas parler avec lui vraiment les yeux dans les yeux parce que je trouve qu’il n’ira pas loin, ou qu’il se trompe et pour les stages, il faut que j’aille là-bas, est-ce que j’aurais une voiture ? » Il y a toujours plein de choses à penser, et puis comment faire cet apprentissage du métier qui est quand même un métier de personne à personne ? Comment faire pour que les malades soient responsables, autonomes. Surtout, surtout que j’ai eu la chance pendant les trois dernières années que j’ai repris, on a appris une nouvelle façon d’enseigner à partir des besoins fondamentaux, et ça, c’est formidable. C’est extraordinaire. Donc c’était toute une mentalité différente à intégrer pour nous et à enseigner aux élèves qui n’en avaient jamais entendu parler, évidemment, sortant du bac, c’était pas leur truc... Donc ça continue à me prendre... à me prendre la tête... [rire] dans le bon sens...oui... mais il n’y a pas que ça qui m’occupe la tête, il y a quand même les enfants et puis la famille, le mari, la famille élargie. Mais c’est vrai que je suis libre parce que mon dernier parent est mort il y a deux ans, mes beaux-parents sont à perpette-la-galette. J’ai des amies, il faut qu’elles s’occupent de leur père, de leur beau-père qui est vieux, de moins en moins indépendant, ça prend du temps et c’est du souci pour elles. Moi, je n’ai pas ces soucis-là, ça aussi, c’est vrai que c’est une liberté. Je trouve que c’est aussi une chance. Ce n’est pas moi qui ai le malheur, ce sont mes beaux-parents qui trouvent qu’ils sont un peu seuls, un peu loin. C’est eux qui en souffrent, plus que mon mari ou moi... Mais moi, je dis à tout le monde, honnêtement, regardez vos finances, mais si vous pouvez prendre la retraite de bonne heure, faites-le... Qu’est-ce que c’est de perdre un peu d’argent... surtout que vue la fiscalité, de plus en plus de RDS, de CSG... on sera taxé de plus en plus, donc l’argent qu’on gagne, ce n’est pas tout dans la poche, il y a de plus en plus de taxe. Il faut calculer honnêtement parce qu’on ne perd pas tout, pas tant que ça...

• - Et puis il faut savoir de quoi on a besoin. Vous me disiez à propos des voyages que...

• - Ah bien oui... On a choisi quand on a acheté une maison, pas trop loin des arrêts de bus, pour que les enfants puissent le prendre, plutôt que sur les petites communes voisines : « On sera tranquille » mais il faudra deux voitures... Pourquoi deux voitures, puisqu’on aura les bus et on a choisi les bus pour que les enfants soient autonomes. Faire les accompagnements des enfants, OK quand ils ont l’âge d’être accompagnés, mais après, non, non... qu’ils soient autonomes, qu’ils sachent un peu ce qu’est la vie. C’est peut-être parce qu’on a eu les enfants tard, moi j’avais 34 ans, et que mon mari et moi, on a eu des enfances pas dorées, normales, pas misérables non plus, on sait ce que c’est attendre, pas voyager au bout du monde... c’est un peu notre truc aussi... dans la lignée de notre éducation. On ne se prive de rien, on n’a pas l’impression d’être vraiment privé de quelque chose. Il y en a qui ont dit quand Pierre est né : « Oh là, là, votre maison est petite, où est-ce que vous allez mettre vos enfants ? » ça ne nous été jamais venu à l’idée... C’est pour ça qu’on ne veut pas habituer nos enfants au large, au luxe, même si on peut dire... On assure les arrières, c’est sûr... mais on ne fait pas dans la facilité. L’aîné a le permis, on ne lui paie pas une voiture. Il aura une voiture quand il pourra se la payer, sauf si vraiment il en a besoin. Il va à la fac, il a un bus, de temps en temps il rouspète... ben oui, c’est la vie... Par contre Myriam est horrifiée par une fille de sa classe, personne ne l’aime, comme sport elle fait du cheval et elle fait de la conduite accompagnée avec la Porsche de ses parents. Alors Myriam est complètement déglinguée. Elle ne se fait pas à son lycée... Ce n’est pas grave.

• - Et vous, votre métier, vous l’avez choisi, vous vous faisiez plaisir.... Ce n’a pas été trop difficile d’arrêter, de dire « c’est définitif., je ne serai plus... »

• - Là aussi c’était un choix... ça n’a pas été trop difficile parce que je crois que ce qui est resté m’a... Mon désir de métier premier, la base, c’est-à-dire avoir le contact avec d’autres, s’ouvrir à d’autres, ça me reste, d’une autre façon. Donc ça va... Je ne pouvais plus redevenir infirmière, alors en fait, c’est toujours un métier de management, de conduire une équipe, dans un service c’était 22 personnes à conduire, à faire travailler ensemble, à l’école, j’avais quatre collègues et un groupe de 22 élèves... directement sous ma responsabilité... ça, je le retrouve d’une autre façon, je crois que c’est pour ça que je ne peux pas me contenter de bouquiner toute la journée ; de faire les vitrines ou d’aller au ski. Le ski de fond c’est moins cher [rire]... parce que quand même, oh...

• - Et votre entourage a eu quelle réaction ?

• - Les enfants étaient contents, mon mari aussi, mais après, on en a parlé, je lui ai dit « Je ne suis pas la femme au foyer pantoufle », mais il l’a très bien compris, ce qui fait que des fois encore, j’ai des journées entières ailleurs... ça n’arrive pas souvent, une fois par trimestre, à peu près oui... quand c’est le moment des bilans ou quand les beaux jours reviennent, on va faire des tours dans la montagne, ça m’arrive une fois par mois... le soir... je prépare avant, mais mon mari prépare à manger... Mes frères et soeurs, pas de problème, c’est varié, il y en a qui ont toujours travaillé, d’autres jamais, d’autres un peu, enfin dans les femmes, les soeurs ou les belles-soeurs... il y a beaucoup d’expériences différentes. Et puis les copines, les voisins, c’est bien. Il y en a une qui m’a dit : « Je crois que je vais faire comme toi, mais quand je m’arrêterai, je ferai table d’hôte. » C’est son truc. Alors quand je la vois je lui demande « Alors ta table d’hôte ? » »Attend, faut que je fasse encore un an, encore un an » Mais je ne crois pas qu’elle le fera parce que ça voudrait dire, elle a des enfants à peu près de l’âge des nôtres, même un peu plus jeunes et ce n’est pas très compatible avec une vie de famille, c’est du boulot. Son mari était d’accord aussi... Alors je ne sais pas si elle va s’arrêter de travailler, c’est un peu son idée, mais si elle ne fait pas table d’hôte...

• - Autrement, les infirmières... M. est toujours en congé parental. C’est marrant parce que quand elle a eu sa dernière, elle a dit « dans un an je retravaille » et maintenant elle dit « Oui, j’ai dit ça, mais... » (la petite a six ans). Elle retravaillera certainement, on ne sait pas très bien... quand on n’est pas forcé pécuniairement. On ne sait pas encore... parce que quand les enfants sont petits, on sent qu’ils ont besoin d’une unité, alors pour peu que le mari soit là, un père, et qu’il revienne tous les jours. Que côté financier ça marche, c’est toujours une grosse question... « Est-ce que je retravaille ou pas. » Je trouve que la place de mère avec de jeunes enfants, c’est vraiment un problème... il y a tellement de bénéfices quand la mère est là au foyer et que les enfants sont jeunes, que ça pèse dans la balance...

• - Vous le voyez dans les gens que vous côtoyez ?

• - Oui, je pense à M. La situation est vivable, un peu plus juste que nous, mais d’un autre côté, avec toutes les compensations, les aides sociales, ils vivent comme nous. Ils ne se permettent pas les mêmes choses, mais c’est équivalent, c’est pareil. Parce que nous on n’a aucune aide, juste au milieu. Ça c’est dur, dur psychologiquement... dur... moi, ça ne me faisait rien, mais mon mari a été sensible dès qu’on s’en est aperçu. Et moi, je commence à dire pareil, parce qu’en fait on paye plein pot, c’est normal de payer plein pot, mais toutes les taxes qu’on donne, qu’on nous prélève sur le salaire, qui n’est pas le bénéfice tiré d’une rente, mais qui est tiré sur un salaire, donc on bosse, on n’en bénéficie pas, on ne peut pas en bénéficier. Alors que d’autres en bénéficient tant mieux, mais quand même...

• - Vous trouvez que c’est injuste ?

• - Non, ce n’est pas injuste, mais il faut le vivre... on l’accepte dans la tête, mais on s’en aperçoit quand c’est le moment des classes de neige, le rentrée scolaire, aucune aide... quand on voit que d’autres ont 1600 F par enfant, c’est vachement une différence. Bon, si c’était 300 ou 500 F, OK, mais là, il y a des décalages. Surtout que les médias font mal leur travail parce qu’ils montrent que la mère rachète tout... C’est pas une éducation ça. Ce n’est pas possible. Ils ne pourront jamais vivre toute leur vie comme ça... après ils veulent des marques. Ça aussi, lutter contre les marques, ça aussi il faut en parler. Ceux qui sont au chômage, il faut tenir le coup, c’est physique en plus de mental. Il faut être là, résister à son enfant. Il faut savoir assurer sa responsabilité de parent et pour ceux qui perdent un emploi, il faut des lieux pour en parler, pour qu’elles sachent qu’il y a 4 ou 5 familles où on tient le coup, on n’achète pas de marques...

• - C’est une souffrance de ne pas pouvoir répondre à la demande des enfants ?

• - [C’est une fausse demande de leur part. On en parle avec mon fils, mais la pub fait bien son travail et fait passer les achats par les enfants]

• - Que répondez-vous quand on vous demande ce que vous faites dans la vie ?

• - Je dis que je suis femme au foyer, s’il y a un contact un peu plus... je dis que je suis retraitée. Quelque fois, mon mari, ou d’autres, me présentent « Tiens, voilà une jeune retraitée ». Je ne le dis pas obligatoirement tout de suite. Dans les questionnaires, je mets retraitée, officiellement c’est ça. Ce qui est très drôle, c’est que sur les feuilles de soins, ce n’est pas prévu, je suis obligée de l’écrire, je ne suis quand même pas un oiseau rare... des retraités, il y en a plein, les plus de 65 ans, à chaque fois il faut qu’ils écrivent « retraités »... Ce ne sont pas des retraités qui ont dû établir ces feuilles-là...

• - Pour votre éducation, vos parents accordaient quelle place au travail ?

• - Pour eux le travail c’était une chose importante, il fallait s’y préparer, bien préparer un métier. N’importe lequel, mais qu’on s’y tienne. Papa travaillait, il a changé de métier dans sa vie. Maman ne travaillait pas, mais avec 6 enfants, elle avait de quoi faire. Donc là, elle était mère au foyer. Je pense que par rapport à mon père qui a travaillé dès l’âge de 13 ans. Il nettoyait les cuves dans une fromagerie. Puis mécano, mais il a fini dans les bureaux, sans être allé à l’école pour ça. Il n’y avait pas d’ordinateur, ça n’existait pas, il a juste vu les calculatrices arriver, mais il faisait tout de tête, ça sortait comme ça... Oui, le respect du travail, qu’au travail on se fait des relations, des copains, oui... Le travail était respecté, on n’arrivait jamais en retard, quand on était malade, c’était que vraiment on était malade, pas de tire-au-flanc...

• - Ce n’est pas trop dur de ne pas avoir de revenu, de dépendre de votre mari ?

• - Si j’ai un revenu ! J’ai ma retraite. Ma petite retraite que je touche me sécurise quelque part. C’est une preuve que j’ai travaillé. Parce que travailler à l’hôpital, ce n’est pas drôle, faire les nuits, équipe du matin à 6h30, équipe du soir on finit à 21h00. Moi c’était ça. J’ai travaillé pendant trois ans dans un service où je faisais les douze heures, de jour ou de nuit, il faut les faire les douze heures. C’est vrai qu’après j’ai du repos, ça fait quand même que 40 heures par semaine... quelque part c’est le signe que j’ai travaillé, mais je mets tout en commun avec mon mari. Je ne me paie rien ou je ne paie rien aux enfants avec... Non, jamais je n’ai dit : « Avec ces 3000F, ça sert à payer... une paire de chaussures en plus, ou un abonnement en plus ou un cadeau pour Noël ». Autant quand j’étais célibataire, je tenais mes comptes, évidemment. Ça ne me déplaisait pas... Autant depuis que je suis mariée, c’est mon mari qui le fait, c’est son truc... » C’est ton truc, tu prends, je te fais confiance ». On a deux comptes : M. et Mme, ça j’y ai tenu, et on a les signatures partout tous les deux. Ça j’y tiens absolument. Par contre, Maman étant morte il y a deux ans, j’ai eu une petite part d’héritage, petite. Et là, j’en ai fait ce que j’ai voulu. Je lui ai dit que c’était un cadeau dont on n’avait pas besoin. On ne s’y attendait pas. Alors là, j’en ai fait ce que j’ai voulu. Autrement c’est tout en commun.

• - L’idée d’indépendance, c’est important ?

• - Moi, je suis quand même indépendante. C’est mon caractère [rire] Mais je ne sais pas où j’irais avec 3000F par mois... On ne paie plus de loyer, mais il y a les impôts locaux, plus de 5000F

• - L’idée d’indépendance et l’idée de preuve que vous avez travaillé sont importantes pour vous ?

• - Ah oui... je trouve que c’est nécessaire que les filles ou les femmes travaille un petit bout de temps dans leur vie...

• - Pour vos enfants, c’est important... Vous n’imagineriez pas...

• - Ah non !... Je ne pourrais pas... Je ne peux pas comprendre quelqu’un qui a des revenus uniquement par des placements d’argent ou des parts immobilières, des rentes... non, ça je n’y arrive pas.

• - Qu’est-ce qui vous dérange ?

• - C’est qu’ils ne se donnent pas de peine [...] C’est facile d’être chez soi, d’être derrière sa calculatrice et de calculer combien... la bourse... des SICAV, des bidules et des machins... S’ils arrivent à vivre bien, parce que ces gens là, ils vivent bien, luxueusement, tout du moins, ce qu’on en voit, des fois il y a des dettes, uniquement parce qu’ils font des loyers forts, je me dis que c’est dégueulasse. Moi je ne conçois pas les choses comme ça. Ce n’est pas possible, ils profitent du loyer des autres... - Evidemment ils se protègent derrière les prix en vigueur dans le quartier. Moi je dis « non », c’est possible de faire moins.

• [discute de la spéculation immobilière]

• - Que pensez-vous du RMI ?

• - Là, je me pose bien des questions parce que je me dis que c’est la pauvreté, et je me pose des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Comment créer, inventer des emplois pour que les gens aient de quoi travailler ? Là où je ne suis pas très d’accord, ce sont les CES qui durent 6 mois. Mais il faut laisser du travail à chacun, à tour de rôle... Moi je pense... un CES ça doit durer, je trouve qu’il ne faudrait pas limiter ça... La personne qui n’a plus son CES se retrouve au chômage, a des indemnités qui s’appellent, je ne sais pas trop comment... mais elle a eu cette remise en route, cette espérance : « Je tiens bon, j’ai un boulot, qu’à mi-temps, pas cher payé, mais j’ai un boulot » et pouf, tout dégringole, plus rien, et il faut batailler encore pour en retrouver un. Qui va durer combien de temps ? un an ? deux ans ? et puis il va falloir recommencer. A un moment on baisse les bras, c’est quand même pas des surhommes ou des surfemmes, les personnes qui cherchent du travail....

• - Est-ce qu’il y a des personnes avec un faible revenu qui arrivent à s’en sortir en s’impliquant dans la communauté chrétienne, ou est-ce que la précarité est trop difficile ?

• - Il y a une maman qui retravaille, mais c’est un CES. Elle a deux enfants jeunes, ça la tient, ce travail. Elle est contente, elle dit qu’elle est quelqu’un. Elle ne vit pas avec le RMI... Elle ne gagne pas beaucoup... Elle est mal dans sa peau sans boulot, elle remet des lunettes noires même chez elle, un jour j’ai senti qu’elle sentait le vin... elle n’a pas d’autre activité que le travail.

• - Je viens de faire la connaissance d’une personne avec 7 enfants... le mari travaille, elle n’a pas envie de travailler à l’extérieur... mais j’en connais une autre qui acceptait n’importe quel travail, quitte à faire 50 km en car. C’était difficile, mais elle ne pouvait pas ne pas le faire parce qu’elle ne se voyait pas chez elle entre quatre murs. Plus elle était chez elle plus elle fumait et plus ses deux enfants l’énervaient.

• - Contrairement à vous, elle n’arrivait pas à s’organiser, à trouver d’autres intérêts...

• - Peut-être, pour elle, c’était ces quatre murs, et ces quatre murs avec les voisins : « Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Je regarde, je vois les voisins. Je descend, je vois les voisins. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Evidemment regarder les feuilletons à la télé et fumer » Il valait mieux qu’elle travaille. Elle se sentait mieux...

• - Les autres... Une maman qui vient de repartir au Portugal... Elle était toujours en train de faire des napperons... Elle a eu une histoire dans son couple... Chez les portugaises, je n’en connais quelques unes, elles ont toujours du travail. C’est des travailleuses... Celles qui travaillent à l’extérieur, elles cherchent du travail pour arrondir les fins de mois, et celles qui n’en ont pas gardent les enfants des autres. Elles ont toujours plein d’enfants les unes chez les autres. Elles s’organisent et les enfants, c’est leur vie, les leurs ou ceux des autres. Pour elles, il n’y a pas de chômage, ça n’existe pas. Il y en a qui ont eu du chômage, mais dans celles que je connais, il y a toujours le mari qui travaille, donc il y a eu une perte de gain, mais elles sont retournées dans leur famille, elles avaient des enfants, elles faisaient deux journées en une avec leur travail. Donc elles ne font plus qu’une journée. Elles vivent, je pense, plus calmement... ou alors, il y a des personnes qui arrivent de l’extérieur et qui cherchent du boulot... Il y en a qui se sont satisfaits de pas grand-chose parce qu’il y a des jeunes enfants ; quelques heures chez un médecin, quelques heures de ménages. Il y en a une qui est veuve, elle fait des ménages, elle est portugaise, très travailleuse, il faut qu’elle travaille, elle a trois enfants...

• - Je vais fermer la fenêtre là-haut, il y a le froid qui arrive...