1.3.3.2. Ressemblances

Il est indéniable que, au fil des jours, les caractéristiques psychologiques qui étaient propres à un groupe ont été adoptés par les autres groupes. C'est ainsi que la description socio-psychologique des Rwandais tend à être unique, et non différenciée en fonction des groupes ethniques ou régionales. Cela se retrouve par exemple dans l'étude réalisée par des étudiants de l'Université et de l'Institut Pédagogique National du Rwanda avec le professeur P. Erny, où il était question de tracer d'eux-mêmes une sorte d'auto-portrait ethnique. “  ‘En parlant des "Rwandais" en général, écrit P. Erny, c'est évidemment d'eux-mêmes que ces jeunes gens parlaient, en fonction d'une sorte de psychologie intuitive et populaire, et c'était bien le but de cet exercice d'introspection (vers laquelle ils étaient d'ailleurs étonnement portés). Ces textes nous éclairent sur un certain nombre de comportements et de sentiments liés à une culture, mais surtout sur la manière dont les Rwandais se perçoivent eux-mêmes ’ 20 .

Dans cette description, rares sont les traits qui se réfèrent aux Hutu, aux Tutsi, aux Twa, aux Baganza, aux Banyanduga, aux Bacyiga, etc., alors que ces étudiants sont originaires de toutes les couches sociales. Pour P. Erny, cela pourrait se justifier par le fait que, “  ‘les Tutsi, ayant formé, depuis un temps qu'on ne peut pas déterminer, une classe dominante, les valeurs qu'ils ont promues sont devenues, en un sens, des valeurs communes, même si d'un groupe à l'autre elles se concrétisent d'une manière plus ou moins accomplie. Ces valeurs tournent autour de l'intelligence du coeur, de l'intuition des êtres, de la maîtrise de soi (de son corps, de ses émotions, de ses sentiments, de sa parole), de l'esprit d'à-propos, du sens de la diplomatie, du courage, de la noble générosité et de la recherche de la beauté en toutes choses (l'apparence physique, le discours, le geste et la démarche, les actes moraux’  ” 21 .

En lisant ce passage, on a l'impression que les valeurs rwandaises sont d'origine tutsi et en train de s'accomplir progressivement. Cela voudrait donc dire qu'il n'y ait pas eu d'échange culturel entre les groupes sociaux, que ces valeurs n'ont pas été connues avant l'influence tutsi et que les régions du Rwanda actuel qui n'ont pas reçu l'impact tutsi aient ignoré, ou presque, ces valeurs. Affirmer ou infirmer ces interrogations demande de s'appuyer sur une étude approfondie qui jusqu'ici fait défaut. Les considérations socio-psychologiques sur les Rwandais s'inspirent donc de clichés qui ne sont ni entièrement corrects, ni entièrement faux, comme le constate Erny. ‘“ Ce sont donc ces clichés qui déterminent l’image que les uns se font des autres ; cette image, il importe au plus haut point de la connaître, ne fût-ce que pour pouvoir mieux la redresser, au besoin l'exorciser, dans le sens d'une véritable socio-thérapie. Mais les choses se complexifient encore car, en l'occurrence, il est nécessaire aussi de parler de personnalités régionales et personnalités statutaires (psychologie du paysan, du néo-bourgeois, du technocrate, du prêtre tutsi ou hutu, de l'étudiant, du militaire, de l'homme, de parti, de l'exilé etc..) et en chaque cas l'échelle des valeurs communes à tous s'infléchirait de manière significative’  ” 22

Notes
20.

ERNY (P). op.cit., p. 169

21.

Idem

22.

ERNY (P). op.cit., pp. 166-167