1.3.4. Du point de vue morphologique

La détermination des différences entre les trois groupes sociaux rwandais (Hutu, Tutsi, Twa) semble devenue un sujet de discussion et de mésentente. Avec l'arrivée des Européens au Rwanda, “ les anthropologues n'ont pas manqué d'appliquer leurs techniques sur les populations trouvées en place. Ils ont démontré qu'il existe entre Twa, Hutu et Tutsi des différences physiques qui postulent une origine différente pour les trois castes. Ces groupes sont doués d'une autonomie génétique relative, qui est en voie d'atténuation. La barrière génétique a été de tout temps plus ou moins perméable. Les Twa montrent des signes d'un métissage prononcé avec les Hutu. Le type physique des Hutu a été influencé par les Tutsi; l'inverse est également vrai ” 23 . Quelles étaient alors les caractéristiques physiques des trois groupes?

Caractéristiques des Twa

Selon les explications données par A. Kagame, le terme "Batwa" désigne deux groupes distincts, qui n'ont en commun ni les caractéristiques somatiques, ni les éléments culturels. Il y a d'abord les Pygmoïdes (=impunyu), essentiellement chasseurs et vivant dans la forêt. On les reconnaît au premier coup d'oeil à leur petite taille. Il y a ensuite les céramistes, qui vivent au milieu des autres populations, en zones déboisées, où ils font de la poterie. Ceux-ci ont la taille normale des autres populations du pays. On les reconnait à leur parler spécial. La taille moyenne des Batwa (-Twa) est 1,55 m. Ils ont souvent une peau très poilue, sont d'un grand courage physique, s'illustrant notamment à la chasse de l'éléphant et à la guerre, où ils faisaient preuve d'un dévouement absolue pour leur maître, roi ou grand chef. 24

Caractéristiques des Hutu

Les "Bahutu" forment l'immense majorité de la population. Leur taille moyenne est 1,67 m. Pour ce qui concerne les critères somatiques, A. Kagame reconnaît qu'ils sont permanents respectivement pour les Bahutu et les Batutsi mais que, dans les zones orientales, centrales et centre-sud, les deux groupes ont réalisé un métissage assez poussé. 25

De Lacger décrit le type physique du Muhutu comme le plus commun et le plus général du Noir, non seulement celui qui, parlant un dialecte des langues dites bantu, est répandu sur toute l'Afrique intertropicale mais encore celui qui peuple la Mélanésie océanienne: taille moyenne de 1,67m, coloration très foncée de la peau et frisure des cheveux, branchycéphalie et prognatisme, nez écrasé et lèvres épaisses, belle proportion des membres; etc.. 26

Caractéristiques des Tutsi

Il existe différentes descriptions des tutsi ; nous en retenons quelques unes. Selon Selon Justin Karibwami, des auteurs européens ont attribué aux Tutsi une origine non africaine. Ils disent que, au départ, les Tutsi n'auraient pas eu la peau noire et, aujourd'hui encore, elle serait moins noire que celle des Hutu. Des Tutsi, on a fait unedescription flatteuse et on leur a donné une origine européenne extra-africaine  27 . De Lacger continue : ‘“ Leur suprématie n'est pas contestée. A quoi tient-elle? A trois éléments: l'un racial, leur supériorité de type physique; ce sont des gens de haute mine, qui en imposent; chez les simples et les demi-civilisés, la taille, le port, la noblesse des traits sont générateurs de prestige et d'ascendant ”’ ‘ 28 ’ ‘. D’après De Perrrugia, “ de même que les Bantous méprisaient les Pygmés pour leur petite taille, ainsi les Hamites, dès leur apparition, en imposèrent-ils moralement par leur gigantesque stature et leur allure patricienne. Les paysans furent toisés par une race de géants devant qui ils s'inclinèrent. La finesse de leurs traits, généralement immobiles et hautains, leurs yeux expressifs, leur prestance magnifique, leur peau aux reflets rouges, tout rendait ces immigrants irréductibles aux Bantous. Les Hamites ne sont ni négroïdes ni européïdes. L'origine de leur race splendide demeure toujours mystérieuse’  ” 29 .

Chez Karibwami, nous lisons que ‘“ les Tutsi sont souvent de grande taille, parfois 2 mètres. Comme leurs compatriotes des autres groupes ethniques, faut-il le souligner, les Tutsi ont bien une peau noire. Ils ont souvent des membres grêles. Les Tutsi, physiquement, ressemblent à d'autres peuples africains, tels les Massaïs, les Gallas d'Ethiopie, voire les Peuls’  ” 30 .

Négation des différences entre les Hutu, les Twa et les Tutsi

Parmi les auteurs qui nient ces différences, il y a A. Kashamura, pour qui,contrairement à ce que veulent faire croire certains ethnologues occidentaux, ‘“ les Tutsi, les Hutu et les Twa ne constituent pas des groupes ethniques distincts. Les Twa, ne ressemblent en rien aux véritables pygmées des forêts africaines, ni aux Boshimans d'Afrique australe, qu'ils dépassent par la taille. Ils sont fort peu différents des autes Noirs des régions interlacustres. Il n'y a pas de différences morphologiques importantes entre les Hutu et les Tutsi: ce sont les Européens, continue-t-il à expliquer, qui prétendent que les seigneurs ont la peau plus claire. Il est vrai cependant que certains Tutsi se distinguent par une taille très élevée. Mais cette particularité est due en partie à une alimentation plus saine, à la pratique des sports: saut en hauteur, lancement du javelot... et à certaines coutumes propres aux seigneurs: dès la naissance, les parents veillent à allonger le crâne de l'enfant; chaque matin on procède au massage de toutes les parties du corps, y compris le sexe, le ventre, le dos, les bras, les jambes’  ” 31 .

Kashamura ne nie pas complètement les différences entre Twa, Hutu et Tutsi; il reconnaît qu’elles existent mais ne sont pas importantes; il les minimise. Qu'elles soient innées ou acquises, elles n'ont pas cessé d'influencer l'histoire des Rwandais. Quant à leur importance, cela dépend de celui qui porte le jugement et surtout de l'intérêt visé. L'objectivité n'est pas sûre de gagner en cette matière. Cependant, l'opinion courante semble appuyer ceux qui prennent les différences observées et même observables aujourd'hui comme suffisantes pour justifier leur appartenance à des groupes biologiques différents. Ces différences physiques observables n’ont-elles pas servi de critères aux génocidaires et meurtriers de 1994 !

Notes
23.

HERTEFELT(D') (M). op.cit., p. 17

24.

KAGAME (A). Un abregé de l'ethno-histoire du Rwanda, T1, Ed.Universitaire du Rwanda, Butare, 1972, P.19-21

25.

KAGAME (A). op.cit., p.21

26.

LACDER(De) (L). Le Rwanda, Kabwayi, 1959, p.49

27.

KARIBWAMI (J). op cit, pp. 52-53

28.

LACGER(De) (L). op. cit., p. 51

29.

PERUGIA (P) (del). Les derniers Rois mages, Paris Phébus, 1978, pp. 35-36

30.

KARIBWAMI (J). op.cit., p. 49

31.

KASHAMURA (A). Famille, sexualité et culture. Essai sur les mœurs sexuelles et les cultures de peuples des Grands Lacs africains, Paris, Payot, 1973.